La familiaOn aurait pu penser que le fait que mon père parte quand j’étais petite m’affecte vraiment beaucoup.
Nan. Les souvenirs que j’ai avec lui sont plutôt flous et, pour être franche, je crois qu’ils ont vite été remplacés par d’autres. J’avais quatre ans quand il est parti, mais je n’ai jamais manqué d’amour avec une maman, un frère et trois soeurs, alors non, je ne pourrais pas dire qu’il me manque. Il est parti, c’est son choix, et je ne me rappelle pas trop de lui, mais plus de l’impact qu’il a laissé sur ma famille avec son départ — laissez-moi dire que même si’il a pu être un père aimant, ça ne lui donne pas beaucoup de points. Pendant longtemps, j’ai cru que Theo était pour moi ce que les pères de mes amies étaient pour elles. Il vous racontera sans doute la fois où je suis revenue avec une carte pour la fête des pères… adressée pour lui. Bah quoi? Ces activités de classe-là ne sont pas faites pour les familles “atypiques”. Et mon enseignante était tellement habituée de voir Theo venir me chercher à l’école ou assister aux réunions parents-élèves quand maman ne pouvait pas y aller qu’elle n’a pas trop posé de questions. Il y a même eu un moment où je l’ai appelé « papa », mais vous voyez, j’avais de la difficulté à faire la différence. Il était là pour moi, c’est lui que j’allais voir quand je faisais un cauchemar ou c’est lui qui me grondait quand je faisais des bêtises. Et
oh boy, j’en ai fait, des bêtises. Une fois, Emma m’a emmenée au parc et on est passées devant une superbe murale toute colorée dans le quartier. Donc, évidemment, en revenant à la maison, j’ai eu un
éclair d’inspiration et j’ai voulu dessiner notre famille sur le mur du salon… au marqueur permanent, bien entendu. Bien sûr que Theo et maman n’étaient pas contents (Emma était morte de rire, elle), mais je m’en suis pas mal sortie, comme d’habitude, je le sais; ils ne peuvent pas résister à mes beaux yeux et j’ai une petite moue particulière que je réserve pour ces moments-là. Et c’est pas que je fais
exprès pour les embêter, je vous jure, j’ai de bonnes intentions. Il a quand même fallu quatre couches de peinture pour cacher mon oeuvre, on ne manque pas de me le rappeler encore aujourd’hui. Sinon, parmi mes bêtises, on peut compter toutes les assiettes et les verres que j’ai cassés en voulant aller trop vite, la fois où je me suis foulé la cheville en voulant porter les talons de maman, ou la fois où j’ai tout usé le rouge à lèvres préféré d’Emma en voulant écrire des beaux messages sur les miroirs, comme dans un film que je venais de voir.
Je ne pourrais rêver mieux côté famille, je sais que je suis choyée de ce côté. Theo qui était (et est) toujours là pour moi, qui prenait soin de moi, qui nous préparait nos plats préférés rien que pour mettre un sourire sur notre visage… qui a réussi, pendant longtemps, à nous cacher le fait que notre famille n’avait pas autant de moyens que d’autres familles, qui me racontait des histoires tirées de sa propre imagination pour nous endormir, Andrea et moi. J’aime bien le taquiner, mon surnom préféré pour lui est “papa-poule”, parce que bon, c’est ce qu’il est, parfois. Okay, la majorité du temps. J’ai vingt-et-un ans — majeure et vaccinée, merci — et je dois parfois lui rappeler que je ne suis plus la petite fille que j’étais autrefois. J’ai grandi, quoi. Emma, c’est vers elle que je me tourne quand je veux parler de garçons ou quand j’ai besoin d’une cobaye pour essayer des coiffures ou des maquillages. Elle se laisse faire et c’est en fait elle qui m’a beaucoup appris à ce sujet. C’est aussi vers elle que je me tourne quand je veux parler de garçons; oh, je pourrais en parler pendant des heures avec elle, c’est tellement intéressant. On aime embêter les autres en mettant la musique à fond dans le salon même s’il est vingt-et-une heures, on danse et on chante jusqu’à ce que la famille se joigne à nous. Nina… elle est du genre à rester à la maison pour lire un bon bouquin, vous voyez - je n’ai absolument rien contre, ça, c’est cool,
you do you, mais moi, j’adore sortir, socialiser. Je l’adore, mais il faut dire qu’on est plutôt différentes l’une de l’autre. Elle est aussi pas mal la seule qui a plus de facilité à résister à mes beaux yeux de p’tit ange. En tout cas, si y’a une exposition ou un film que je veux aller voir, je sais qu’elle sera partante et on s’amuse bien ensemble quand même. Puis, il y a Andrea, celle dont je suis la plus proche, je dirais. Un peu normal, compte tenu que nous n’avons que deux ans de différence et que nous avons partagé une chambre jusqu’à temps qu’elle déménage hors de la maison. (C’est pas super grand, chez nous, mais c’est super
cozy, j’vous jure.) Je ne pourrais même pas compter toutes les nuits où nous avons parlé de tout et de rien jusqu’aux petites heures du matin. Et malgré toutes les conversations que nous avons pu échanger, nous n’avons pas besoin de beaucoup de mots pour nous comprendre. Niveau activités, on se rejoint un peu moins, mais on a fait un
deal que si je l’accompagne pour faire du canoë ou peu importe l’activité d’extérieur qui lui vient en tête et qu’elle a besoin d’une partenaire, elle vient en échange faire les boutiques avec moi ou s’étendre sur la plage rien que pour se faire bronzer. Je sais que ça lui en demande beaucoup, de rester quelques heures installée sur une plage à ne pas faire grand chose, mais elle sait que ça me fait plaisir et je lui en suis très reconnaissante. Et, au final, on passe du temps ensemble, alors on est gagnantes toutes les deux avec cette panoplie d’activités diversifiées.
Gabriela, adulte en devenir Andrea, puisqu’elle est la deuxième plus jeune, a été la dernière à s’en aller de la maison, il y a plus ou moins quatre ans, et ça m’a vraiment fait bizarre. Non seulement je n’avais plus ma coloc préférée, mais je me suis retrouvée toute seule avant maman pendant un certain temps. La maison familiale est devenue tout d’un coup vraiment vide et, autant que j’ai toujours eu une bonne relation avec maman, nous nous sommes mises à nous disputer de plus en plus souvent. Elle trouvait que je n’en faisais pas assez dans la maison, elle disait que vu que c’était juste elle et moi, qu’il fallait que je l’aide plus avec les tâches ménagères. Je lui disais que j’étais occupée avec l’école, le boulot, les activités parascolaires, mais elle me répondait que ce n’était pas des bonnes excuses,
mija. Je sais, au fond, qu’elle a raison, mais c’est dur de m’y mettre et de jongler avec tout ce que je fais en-dehors de la maison. Et puis… j’ai tendance à
oublier. Prenez par exemple le Noël où, à défaut d’avoir un chien comme je le souhaitais, ma famille m’a offert un poisson bêta que j’ai nommé Henri le Ier. Quand je l’ai reçu, Theo m’a fait promettre de nettoyer le bocal au moins une fois par semaine. Je suis sûre qu’il s’en doutait, mais… au final, disons juste que ce n’est pas moi qui l’ait nettoyé la majorité du temps.
J’oubliais. (Par contre, j’ai beaucoup pleuré lorsqu’il est mort et qu’on l’a envoyé dans la toilette. Ils n’ont pas voulu m’en racheter un.)
Alors bon, bien que je sois plutôt proche de Maman, je me suis mise à rêver d’avoir un endroit qui serait plus à moi, de voler de mes propres ailes comme mes trois soeurs et mon frère l’ont fait avant moi. C’est justement à ce moment-là qu’Andrea m’a parlé que c’était plus serré avec l’argent et je savais qu’ils avaient, Lucas et elle, une chambre de plus, alors on a décidé que j’emménagerais avec eux dans leur appartement. J’avais besoin de mon indépendance, bien que c’est rassurant de savoir que ma famille n’est jamais bien loin. Et c’est cool de retrouver ma soeur comme coloc, même si, cette fois-ci, on a chacune nos chambres. Je suis consciente que je pourrais en faire plus niveau ménage. Mais je crois que je suis sur la bonne voie pour être une
adulte accomplie.
La escuelaJ’ai toujours aimé aller à l’école. Le premier jour de la maternelle, j’étais tellement excitée que j’ai été incapable de manger mon petit-déjeuner. Aller acheter des fournitures scolaires a toujours été un de mes moments préférés de la rentrée, bien que j’ai hérité de beaucoup de trucs de mes aînés. Ma phrase préférée, quand j’étais petite, était “oui, mais pourquoi?”. Bon, ça l’est parfois encore un peu. Sinon, je n’aimais pas particulièrement étudier, mais heureusement, j’avais quand même de bonnes notes sans trop faire d’efforts. La paresse était toutefois un de mes plus grands défauts (certains diraient que ça l’est encore), et il m’arrivait de demander de l’aide à Nina pour faire mes devoirs parce que je savais qu’elle allait finir par les faire à ma place, c’était plus fort qu’elle (
insérer petit rire machiavélique, mais pas trop quand même). Toutefois, à l’université, c’est autre chose. J’ai d’abord commencé à faire des cours de droits parce que je me disais qu’être avocate, ça payait plutôt bien, et que je voulais moi aussi aider ma famille. Theo a réussi à faire passer nos difficultés financières quand nous étions plus jeunes, mais avec les années j’ai bien remarqué à quel point il travaillait très fort pour qu’on aille quelque chose sur la table. Sauf que je me suis vite tannée des cours de droit, c’était grave ennuyeux; alors, j’ai changé pour des cours d’art, me disant
hey, j’aime bien dessiner, et puis ça ressemble beaucoup à maquiller un visage, non?, mais ça n’a pas été long que j’ai lâché également. J’aime dessiner ici et là, mais pas de là à le faire constamment. Je me suis ensuite essayé en psycho, un domaine que je trouve franchement intéressant puisque j’ai toujours aimé analyser les gens. Toutefois, au premier semestre, j’ai coulé mon premier examen de psychologie de l’enfance, faute d’avoir étudié. Je me suis vite reprise, mais ça m’a, disons, un peu démotivée. Au lycée, je pouvais facilement m’en sortir sans passer des heures le nez dans les livres, mais à l’université, c’était différent. Heureusement, j’ai eu quelques bourses en terminant le lycée grâce à mes notes et à mon implication dans les activités parascolaires, alors je ne m’en faisait pas trop avec mes millions de changements de direction. On m’a souvent dit que je devrais faire une formation en maquillage de scène ou en coiffure, mais ça m’a pris longtemps avant de faire réellement le pas. C’est comme si terminer un programme me faisait un peu peur, car ça voulait dire que je devrais me trouver un “vrai” boulot et malgré mon besoin d’indépendance, je ne me sentais pas prête à devenir une
adulte. Je dis que j’ai fait le pas… Mais c’est en réalité Andrea qui l’a fait pour moi. Sans me prévenir, elle m’a inscrite à un programme et c’est avec beaucoup de surprise dans les yeux que j’ai reçu ma lettre d’acceptation au programme de mes rêves en maquillage de scène. Ça n’a pas pris longtemps avant qu’elle m’avoue que c’était elle qui avait fait les démarche pour moi. J’ai un peu paniqué au début, parce que c’était trop facile d’être dans le déni pour moi et de me dire que ce n’était qu’un hobby, que je n’avais pas ce qu’il fallait pour en faire une carrière — et faut dire que j’ai mon petit côté paresseux et que faire ma place dans le domaine me paraît comme une montagne. Heureusement, Instagram est là. Bref. Je suis restée fâchée quelques minutes contre ma soeur d’avoir fait ça dans mon dos, mais au final je lui ai sauté dans les bras, toute excitée à cette opportunité, reconnaissante au final qu’elle ait pris les devants pour moi. En tout cas,
side note, mais j’ai vraiment hâte qu’une de mes soeurs se marie, je pourrai les aider à faire leur maquillage et leur coiffure. Elles, ou la future femme de Theo, si je l’aime bien. D’ailleurs, Andrea et moi lui avons donné un petit coup de main pour qu’il rencontre quelqu’un…
Plus qu’une passionParlant de maquillage de scène, c’est une passion que j’ai depuis le lycée. Ça a commencé quand Andrea m’a suggéré de m’inscrire à la comédie musicale de l’école pour me faire de nouveaux amis. Je l’ai écoutée et, bien honnêtement, je n’ai jamais regretté. Non seulement j’y ai rencontré Philip, mais j’ai adoré apprendre des chansons et des lignes et jouer devant tout le monde. Ma famille au grand complet venait m’applaudir et j’adorais les repérer dans la salle. Bon, je suis loin d’avoir une aussi belle voix qu’Andrea, je l’admets, et ça ne me dérange pas vraiment. Ce n’est qu’un hobby, pour moi, pas une possible carrière. Sauf que pour les représentations de notre spectacle, ils ont eu besoin de quelqu’un pour le maquillage et les coiffures et je me suis tout de suite proposée. J’ai eu le loisir d’expérimenter à fond avec Emma et j’adorais ça. Ma première comédie musicale, et ma préférée, était
Wicked. J'ai adoré faire les maquillages d'Elphaba et de Glenda. Ce soir-là, on m’a complimentée et ça m’a fait vraiment plaisir, et depuis, je l’ai fait à chacune des représentations des comédies musicales durant mes quatre années de lycée, tout en jouant un des personnages aussi, parfois deux quand il manquait de gens. À l’université, j’ai décidé de faire seulement le maquillage et les coiffures, ça me demandait déjà assez de temps comme ça pour que je m’implique en plus dans les rôles.
Amistad e amor Quand j’étais au primaire et au collège, j’avais deux meilleures amies avec qui je me tenais constamment. Nous étions inséparables et nous nous voyions pratiquement tous les weekends. Nous avons essayé le cheerleading ensemble à l’école, nous avons fait partie de comités divers et nous aimions bien jouer à prétendre que nous étions des élèves de Poudlard à la récréation. Puis, juste avant le lycée, l’une des deux a déménagé en Floride avec les oranges, et l’autre a décidé que je n’étais pas assez
cool pour elle, elle voulait commencer le lycée en “repartant à zéro”. Je me suis rendu compte que la seule raison pour laquelle nous étions amies, c’était à cause de la troisième. Alors, durant les premières semaines de lycées, je me suis retrouvée sans amies proches et j’ai donc mangé avec Andrea et ses amis à elle. Elle avait surtout des amis gars et je dois avouer que ça m’intimidait un peu, d’être entourée d’autant de personnes du sexe opposé comme ça. Puis, j’ai rencontré Philip à la rencontre pour la comédie musicale et ça a tout de suite cliqué. C’était mon premier ami masculin, en fait, mais ça ne m’a pas dérangée le moins du monde. Il arrivait tout droit de Londres et j’adorais son accent, je n’ai cessé de lui demander de me dire tel ou tel mot pour l’entendre de nouveau. Il traînait toujours une bande-dessinée sur lui et il m’a même convaincue de sécher les cours quelques fois. Quand nous n’avions pas de voiture, nous nous contentions de nous rendre dans les endroits locaux, prendre une glace ou traîner au parc ou les deux, quelque chose du genre; puis, après avoir passé son permis, il s’est acheté une voiture et on a commencé à aller à la plage pour nous baigner et papoter alors que les autres essayaient de faire des calculs et d’apprendre des dates historiques par coeur. Theo et maman ont reçu de nombreux appels du directeur à ce sujet et je me suis fait gronder assez souvent, mais pour être bien honnête, ça ne me dérangeait pas plus que ça. Tant que j’avais de bonnes notes, hein? Je ne voyais pas vraiment ce en quoi manquer quelques cours pouvait importer.
Je dois avouer que j’ai eu un
crush sur Phil au début, mais il a vite pris mon statut de meilleur ami et je me suis dit que ça ne serait pas très pratique qu’on sorte ensemble, au risque de perdre notre super amitié. En
Sophomore year, nous avons donc fait un pacte de ne jamais tomber amoureux l’un de l’autre. Puis, le temps d’aller à l’université est arrivé et il a été accepté à la
School of the Art Institute of Chicago, une université réputée pour devenir illustrateur. La séparation a été difficile, moi j’ai dû aller au petit
community college d’Hilton parce que, financièrement parlant, c’était pas mal mon seul choix, comme ils m’offraient une bourse; mais nous nous écrivons par sms constamment, nous n’avons jamais éteint notre flamme de Snap Chat, nous nous parlons en visio au moins deux fois par semaine et il vient à Hilton dès qu’il a un moment de libre.
Côté amour, bof. J’ai toujours rêvé du prince charmant, bien entendu, avoir des
crush sur des personnages masculins de films ou de livres a toujours été mon fort, j’aime m’imaginer qu’ils existent et qu’il pourraient être mon futur mari. Mais en réalité, aucune de mes relations amoureuses n’a duré longtemps. J’aime bien le jeu de la séduction (vive Tinder), en fait, mais quand vient le temps de m’engager… je suppose que je n’ai pas trouvé le bon. Mais bon, je ne m’empêche pas de vivre en attendant, il faut dire que je suis très bien entourée de toute manière. En bonus, voici une de mes citations préférées:
- Spoiler:
”Arrête d’attendre le Prince Charmant. Lève-toi et trouve-le. Le pauvre idiot est peut-être pris dans un arbre ou un truc du genre…”