(Benjamin+Emily) And Maybe I Don't Quite Know What to Say

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

Le réveil n’a pas été des plus facile. Ce n’est pas le hangover le plus brutal, mais pas le plus agréable non plus. Un petit mal de tête en fond ne me quitte pas alors que je tends la main pour attraper ma bouteille d’eau sur ma table de chevet. C’est toujours la première chose que je fais en me réveillant, comme si c’était tout en haut de ma to-do list. Normalement, je me lèverais directement, mais disons qu’il y a des matins plus faciles qu’aujourd’hui et ce n’est pas pour autant que je peux me rendormir. Je déteste me lever trop tard, j’ai l’impression de perdre ma journée et des heures précieuses que je pourrais investir dans autre chose. Je me retrouve donc à scroller dans les stories sur Instagram pour m’éviter de fermer les yeux, souriant chaque fois que je vois passer une ou plusieurs qui appartiennent aux amis avec qui je suis sortie hier soir. Ce n’était pas prévu que je vienne à Hilton avant aujourd’hui, comme je donne un cours de ballet vers la fin de l’après-midi, mais je me suis laissée tentée par l’invitation de Gabriela à une soirée dans un bar local où ils ne passaient que de la musique de Taylor Swift jusqu’à la fermeture. J’ai beau avoir été la voir en concert à LA il y a quelques semaines, ce n’est pas pour autant que je manquerais une telle soirée pour la célébrer. Chris — dont je ne peux qu’être admirative d’avoir voulu accompagner sa copine et d’avoir joué le jeu — et elle m’ont d’ailleurs fait part qu’ils avaient trouvé non pas un, mais trois idées de costumes pour l’Halloween, mais qu’ils ne savaient pas lequel choisir (sans pourtant vouloir me révéler lesdits choix) pour mon party qui arrive à grand pas, avec mon anniversaire. Il faut d’ailleurs que je suggère à mon père qu’on commence les décorations aujourd’hui, non seulement pour pouvoir en profiter tout le mois d’Octobre, mais également parce que ce n’est pas de la petite organisation pour la soirée, ça requiert du temps.

Dix minutes top chrono (littéralement) plus tard, je débarque à la salle de bain reliée à ma chambre pour pouvoir me nettoyer le visage et me brosser les dents. Puis, je retourne dans ma pièce pour faire ma routine d’étirements comme chaque matin. Je ne fais peut-être plus de ballet au niveau avancé depuis un moment, mais cette routine m’a toujours fait du bien et permet de détendre ma cheville qui n’a jamais totalement retrouvé sa souplesse depuis que je me la suis cassée. J’imagine pas si je n’en prenais pas soin à chaque jour. Enfin, après m’être habillée et avoir attaché mes cheveux dans un petit chignon bas, je sors sur le palier du premier étage et… m’arrête net en entendant des voix. Celle de mon père, facilement reconnaissable, et celle d’une femme. Je fronce les sourcils, n’osant pas plus m’avancer pour qu’ils ne me remarquent pas. La femme de ménage, peut-être? Mais il me semble que Greta — si je me rappelle bien son nom — ne vient pas le samedi, et vu les bribes de conversation que j’entends… est-ce que mon père voit quelqu’un et je ne suis pas au courant? J’entends la porte se refermer et je cours à ma chambre aussi silencieusement que possible afin de regarder par la fenêtre, qui donne sur le devant de la maison. Je ne vois qu’une longue chevelure brune flotter derrière la femme. Mais qui peut-elle bien être? Ça me démange d’ouvrir la fenêtre pour lui crier qu’elle a oublié quelque chose afin qu’elle se retourne pour que je puisse voir son visage, mais je n’en fais rien. Non, je finis plutôt par descendre à la cuisine, mon estomac commençant déjà à gronder.

Mon père est non loin quand j’arrive. « Bon matin », je dis prudemment, me rappelant qu’il n’est pas au courant que je suis venue passer la nuit. Après tout, je suis arrivée aux petites heures du matin et suis partie directement me coucher. J’ouvre le frigo pour en sortir les ingrédients nécessaires au smoothie protéiné que je me fais chaque matin. « Tu as passé la nuit avec quelqu’un », je dis, peut-être d’un ton plus froid que nécessaire, et ce n’est pas une question. J’espère quand même qu’il n’essaiera pas de le nier. Ça me fait quand même tout drôle qu’il ait pu être avec une autre que ma mère, même si bon, ça fait trois ans et que je sais que leur mariage s’est brisé après qu’il lui ait été infidèle. Tout le monde fait des erreurs, j’imagine, mais ce n’est pas pour autant que je trouve ça “normal” qu’il en voit une autre à présent. Je fouille davantage dans le frigo, à la recherche de la touche finale pour mon déjeuner, bien que ça soit en vain. « C’est toi qui a pris mon citron? » Certes, je l’ai acheté il y a quelques jours et peut-être qu’il vaut mieux qu’il l’ait pris pour ne pas le gaspiller, mais n’empêche, cet ingrédient fait toute la différence dans mon smoothie.

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@Benjamin Jones

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

feat. Benjamin

feat. Emily

Je suis en train de dormir paisiblement contre le corps nu d’Emma quand j’ai l’impression d’entendre un bruit dans la maison. Je relève la tête pour mieux entendre et il n’y a plus aucun son. J’imagine que c’était peut-être juste le vent ? Je ne peux m’empêcher de sourire en me demandant si c’est plutôt Roger qui nous jouait encore des tours. Je n’avais pas l’impression qu’il m’avait suivi à Hilton pourtant. L’histoire de Roger dans notre famille remonte à très longtemps pour tout dire, du temps que j’étais étudiant à Harvard. Cela faisait quelques mois que moi et Jude avions emménagé avec Emily dans notre première maison. Comme bien des maisons à Boston, cette dernière était loin d’être très moderne et je me considérais déjà très choyé à l’époque de ne pas être pris dans un petit appartement d’étudiant avec ma famille grâce à l’aide financière de mon beau-père. Comme toute vieille maison, il n’était pas rare d’entendre les planchers craquer ou d’entendre des coups dans les murs à cause des tuyaux surtout l’hiver. Toutefois, tous ces bruits rendaient Jude bien anxieuse à l’occasion et à un moment elle a même commencé à dire que des trucs changeaient de place dans la maison. J’avais beau lui dire que les probabilités étaient très fortes que ça soit notre petite Emily qui les bouge quand elle avait le dos tourné, mais mon ex-femme était plutôt convaincue que c’était un fantôme. J’allais beau devenir quelques années plus tard un grand fan de la télésérie Supernatural, je ne croyais absolument pas à l’au-delà. Autrement pourquoi les scientifiques n’auraient pas de preuve ? Puis, il y a eu ce jour où Jude a décidé de m’apporter des « preuves » en ayant fait des recherches sur la maison et qu’apparemment un certain Roger était décédé de mort naturelle à l’intérieur avant notre achat. Toutefois l’utilisation réelle de ce Roger dans notre quotidien fut mis de l’avant quand Jude me demanda si j’avais réellement manger tous les cupcakes choco-bananes qu’elle avait fait la veille. J’avais alors prétendu que ça devrait être « Roger » pour me moquer un peu du fait qu’elle croyait fermement à ce fantôme alors qu’en réalité c’était moi et Emily les vrais complices du crime. Un aveu que je n’étais pas forcément prêt à faire parce que je me doutais que Jude aurait été fâché que je donne autant de chocolat à notre fille pour simplement l’occuper et l’avoir un peu plus avec moi pendant que j’étudiais la veille. Et depuis, l’expression est simplement restée dans notre famille. S’il y a encore une assiette non-rangée sur le comptoir à l’heure actuelle, on dira toujours que c’est de la faute de Roger alors qu’on sait très bien que ça doit être en réalité Crystal qui est souvent bien tête en l’air. Néanmoins l’histoire de Roger a quand même apaisé Jude et elle en riait en disant que ce sacré Roger était un joueur de tours qui touchait beaucoup trop souvent à ses clefs. Il n’y a eu qu’une seule fois que j’ai vraiment cru à la possible existence de Roger, je me souviendrai toujours d’Emily qui avait à peine trois ans et qui pleurait à chaudes larmes dans son lit alors qu’elle venait de faire un cauchemar. Je m’étais dépêché à aller la voir avant que Jude ne se réveille alors que j’étais encore debout avec mes révisions. Quand je lui avais demander ce qu’elle avait fait comme cauchemar et qu’elle m’avait simplement dit « Roger » en fixant le coin de sa chambre j’avoue que ça m’avait donné plus d’un frisson. On avait fait des aurevoirs de la main à ce soi-disant Roger pour lui demander de partir et ma fille s’était aussitôt calmée. J’avoue qu’encore à l’heure actuelle je me pose des questions sur ce petit évènement qui ne s’est jamais reproduit, mais je crois fermement que c’est plutôt Emily qui avait enregistré ce nom en nous entendant le prononcer et que c’est simplement une énorme coïncidence. Cependant, je n’en ai jamais parler à Jude pour ne pas l’apeurer inutilement. Je repose finalement ma tête sur l’oreiller en espérant ne pas avoir déranger Emma qui dort à poings fermés et je sombre rapidement de nouveau dans le sommeil.

Le lendemain matin je me réveille avec Emma et cela nous prend au minimum un trente minutes avant de nous convaincre de sortir réellement du lit. Cela fait quand même plusieurs semaines que nous nous fréquentons plus sérieusement et j’avoue qu’à ses côtés j’ai de la misère à me reconnaitre. J’ai l’impression de vivre pour la première fois ce que j’aurais dû avoir comme réelle expérience en tant qu’adolescent alors que la venue d’Emily dans nos vies m’a fait plonger directement à grande vitesse vers la vie d’adulte. Je crois qu’avant de me séparer réellement avec Jude je n’avais même pas réalisé tous les sacrifices que j’avais fait dans ma vie mis à part celle de ma vie universitaire beaucoup moins dévergondé que celle de mes pairs. Mais même si j’en ai parfaitement conscience aujourd’hui, je ne changerais rien à ma vie. Je ne m’imagine même pas une vie sans Emily et Crystal. Certes, il aurait été beaucoup plus agréable de régler bien avant nos problèmes de vie sexuelle avec Jude, mais si ça avait été le cas je sais très bien que je serais encore avec elle à l’heure actuelle et que je n’aurais jamais connu ce qu’était le vrai amour. Je discute autour du comptoir de la cuisine avec Emma alors que nous nous demandons ce que nous allons manger pour le petit-déjeuner. La réalité c’est que j’aimerais tellement l’emmener manger au restaurant de mon cousin Andrew, mais Hilton est une petite ville et j’ai peur que mes filles finissent par savoir que je fréquente quelqu’un de très jeune sans même leur en avoir parler. Nous restons donc presque toujours majoritairement chez moi ou chez Emma de ces temps-ci, mais ça commence à me peser bien plus que je pensais. J’ai encore cette impression de devoir me cacher comme toutes ces fois dans le passé que j’ai trompé Jude et pour la première fois je n’ai pas du tout l’envie de jouer encore cette double vie. Je fronce les sourcils alors que j’entends du bruit à l’étage et automatiquement je me dirige vers la fenêtre du salon pour vérifier l’allée. Quand je vois l’auto d’Emily mon cœur fait littéralement un bond dans la poitrine. Merde. C’était donc elle que j’avais entendu hier soir ? Je reviens vers Emma le visage vraiment déconcerté de ce que je viens de découvrir.

-Hum, je viens de voir que ma fille est venue dormir ici… Je crois qu’elle va descendre d’une minute à l’autre, dis-je à voix basse dans l’espoir qu’Emily ne m’entende pas de là-haut.

Heureusement, Emma comprend rapidement mon malaise et prend l’initiative de partir par elle-même. Je sais très bien qu’elle ne le fait pas forcément de bon cœur, ça vient nous remettre directement en pleine figure l’élément central qui me fait hésiter sur la possibilité que nous devenions réellement un couple tous les deux et je vois bien que ça lui fait de la peine. Je me dépêche de nettoyer la tasse de café d’Emma et je me demande réellement si Emily a pu remarquer que j’ai passé la nuit avec quelqu’un. D’une certaine façon, j’espère réellement que non. Je ne sais pas du tout comment aborder ce sujet avec elle pour tout dire. Je viens de finir de ranger tous les indices qui auraient pu être laissé dans la cuisine de la présence quelconque d’Emma quand Emily descend l’escalier. Je lui fais un sourire alors qu’elle me dit bon matin. Ma journée piscine vient probablement de tomber à l’eau avec Emma, mais je suis vraiment content de voir Emily. Avec mon voyage d’affaires d’un mois à Washington en juin et mon voyage à Sète avec Emma, je ne l’ai pas vu tant que ça de l’été contrairement à d’habitude et je sais qu’avec le retour en classe les évènements se feront de plus en plus rare avec qu’elle est impliquée à fond dans ses études.

-Bon matin, je ne savais pas que tu allais passer aujourd’hui. Tu as quelque chose de prévu à Hilton ?

J’essaie de surtout savoir avec ma question si ma cour extérieure servira de rassemblement beaucoup trop nombreux encore une fois pour une soirée d’Emily, si c’est le cas j’envisage déjà une petite escapade dans un hôtel avec Emma pour la nuit. Mon regard se fige quand elle expose directement le fait que j’ai passer la nuit avec quelqu’un sous le signe d’une affirmation. Merde. Elle sait. Est-ce qu’elle l’a vu ou qu’elle nous a entendu faire l’amour ce matin ? Il n’y a pas grand-chose qui me rend bouche-bée d’un coup, en tant qu’avocat j’ai énormément de réparti et je suis plutôt futé pour me sortir de n’importe quelle situation. Que suis-je supposé lui dire ? Est-ce que c’est le moment d’ouvrir le fait que j’ai une relation avec une femme de simplement trente ans ? Néanmoins, l’air bête d’Emily alors qu’elle a simplement évoqué ce fait me laisse croire qu’elle ne sera pas très réceptive à cette discussion et je préfère éviter d’en parler le plus possible.

-Si je t’avais noté toutes les fois que j’ai remarqué des chaussures d’hommes qui n’étaient pas les miennes dans l’entrée, nous aurions eu beaucoup de discussions malaisantes au petit-déjeuner, finis-je par dire.

Après tout, je ne fais rien de mal. Je suis célibataire et je n’ai pas à avoir honte d’avoir passé la nuit avec une femme dans ma propre maison. J’espère qu’elle comprendra avec mon exemple que j’ai été très indulgent face à elle dans le passé en ne posant aucune question et qu’elle m’accordera le même traitement en retour en en prenant conscience. Je crois que contrairement à bien des pères je me suis fermé les yeux sur beaucoup de situation, cette envie que mes filles connaissent vraiment une vie de jeune adulte normale contrairement à moi et Jude y joue pour beaucoup. Elle me demande alors si j’ai pris son citron et pendant un instant je me dis que la probabilité que ça soit Emma pour l’une de nos recettes cette semaine est très forte, mais c’est bien la dernière chose que j’ai envie de lui dire. Qu’est-ce que je peux inventer pour me sortir de cette situation ? Je n’irai certainement pas lui dire que j’avais envie de me faire un cocktail, elle devinera tout de suite mon gros mensonge.

-Honnêtement je n’en ai aucune idée, j’imagine que c’est Juanita qui l’a jeté en faisant le ménage du frigo cette semaine ? Ou bien c’est encore Roger qui fait des siennes.

Ma réponse est étrangement beaucoup trop honnête. Il est bien vrai que ça aurait pu être tout aussi Juanita. Elle a tendance a jeter beaucoup trop rapidement certaines choses, mais comme je mange très peu à la maison normalement ça crée rarement des problèmes.

-Tu veux que j’aille t’en chercher un à la fruiterie ? demandais-je néanmoins coupable de cette disparition provoquée sans doute par ma liaison totalement secrète.

KoalaVolant

@Emily Jones squeeze

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

Comment commencer la journée du bon pied (sarcasme): se lever avec un petit mal de tête, résultat d’une soirée à célébrer avec des amis, et ensuite découvrir que son père a passé la nuit avec une femme qui n’est clairement pas celle qui vous a mise au monde. Ce n’est pas trop mon genre de garder ce genre de découvertes pour moi, et ce n’est pas aujourd’hui que ça changera. Même si, je le sais (blablabla), il a totalement le droit de voir d’autres femmes s’il veut. Quinze en même temps, s’il veut. Même si — ew, ne surtout pas imaginer son père dans cette situation, ça n’aide pas la nausée reliée au hangover. Et je n’ai pas prévenu, alors c’était un risque que je prenais. Mais ça m’agace, c’est tout, et ça se reflète sur mon humeur. J’ai l’impression de ne pas avoir vu mon père cet été, entre tous les voyages d’affaires qu’il a eus et où il n’a pas voulu m’emmener (okay, j’étais assez occupée), et qui sait s’il a passé une partie de l’été avec elle ou si ce n’est qu’une histoire d’un soir. Mais chose certaine, ça fait tout de même plaisir de le revoir, vraiment. Il m’a manqué. Son sourire fait naître le mien, qui ne semblait pourtant pas vouloir apparaître de sitôt. Appelez ça le charme Jones, si vous voulez (). Je hausse un sourcil quand il me demande si j’ai quelque chose de prévu à Hilton. « Comme tous les samedis », je réponds, perplexe. Bon… peut-être que tous ces voyages lui ont fait oublier ce genre de détail, avec les décalages horaires et tout. Même moi, qui tient un agenda super rigoureux, il m’arrive d’oublier quel jour de la semaine on est quand je suis à fond dans mes études. « Je donne un cours de danse, tantôt. Je me suis dis que je viendrais dormir ici, je suis sortie avec des amis hier. C’est okay? » Bon… c’est plus une manière de le tester, peut-être, que de réellement m’assurer que j’ai ma place ici, on va dire. Après tout, ne m’a-t-il pas déjà dit que je suis chez moi, ici? J’ai ma chambre, ma salle de bain, même, et ma clé. Même certains trucs dans le frigo. N’empêche, il a le droit d’avoir des invitées, je le sais… mais bon.

C’est dénuée de toute joie que je lui fais remarquer que je sais, d’ailleurs, qu’il y avait quelqu’un avec lui cette nuit. Je suis plus souvent chez ma mère, comme elle habite à LA, et je n’ai pourtant jamais eu l’impression ou le moindre indice qu’elle voit quelqu’un. Est-ce qu’elle invite des hommes quand elle est certaine que je ne suis pas là? J’ai du mal à l’imaginer avec quelqu’un d’autre que mon père, mais l’inverse est vrai aussi. Je pensais vraiment qu’ils finiraient leurs jours ensemble, et je pense que c’est ce qui… m’affecte le plus. Je me renferme un peu plus, bien qu'amusée par sa répartie, quand il me fait remarquer que nous aurions eu bien des conversations malaisantes s’il avait noté les chaussures d’hommes qui n’étaient pas les siennes. On peut toujours compter sur Benjamin Jones pour trouver la bonne réplique. « Dommage que je n’aie pas de frère à qui attribuer ces chaussures », je réplique, ne pouvant m’en empêcher. Fair enough, dad, fair enough. Je ne cherche pas particulièrement à cacher mes relations à mon père, mais je ne tiens pas nécessairement à ce qu’il s’en rende compte.

N’ayant pas envie, franchement, d’en connaître plus sur cette inconnue — tant qu’ils se protègent hein~~, je suis trop vieille pour avoir une autre petite soeur il me semble~~ —, je me concentre à fouiller dans le frigo à la recherche des ingrédients pour composer mon smoothie. Et bon, j’ai pas envie qu’il se serve de mes questions pour m’en poser à son tour sur ce gars qui vient me rejoindre à l’occasion dans ma chambre. J’ai beau avoir une date Tinder une fois de temps en temps, quand je m’ennuie il faut croire, ça ne se rend jamais plus loin qu’un baiser. Alors il n’y a qu’un gars qui a eu l’occasion de voir ma chambre à Hilton — du moins, de manière VIP on va dire. Je l’interroge néanmoins sur la disparition de mon citron, j’étais certaine que, lorsque je l’ai laissé dans le frigo, il allait durer plusieurs jours encore. Je soupire quand il mentionne Juanita — c’est donc ça le nom de sa femme de ménage —, parce que si elle l’a jeté, je trouverais ça franchement du gaspillage. Puis, je roule des yeux en étouffant un rire en l’entendant mentionner Roger. « Encore Roger? Il a vraiment bon dos, lui. Je pensais qu’il s’était installé avec maman à LA. Elle n’arrête pas de me dire qu’il a pris sa ceinture, ou son collier préféré. Je lui ai dit que je n’étais pas certaine que ce bijou soit le genre de Roger. » Je ne me rappelle pas trop de l’origine de ce fantôme, quand mes parents ont commencé à le mentionner, mais j’sais pas, je me rappelle avoir eu un drôle de feeling avec celui-là quand on était à Boston. Ça remonte à loin et c’est quelque peu vague, mais je me rappelle avoir été partagée entre la peur de tomber sur lui et l’amusement de le blâmer pour tout et n’importe quoi.

J’observe mon père quelques instants en me demandant pourquoi il serait prêt à se rendre à la fruiterie rien que pour un citron, mais en même temps, ce ne serait pas la première fois qu’il veut me rendre service comme ça. Je sais bien qu’au final, il ne veut que mon bonheur. « Oh… non merci, ça va. Je vais survivre sans. T’en veux? » je lui suggère en baissant les yeux sur le blender. Tant qu’à le faire fonctionner… « T’es libre aujourd’hui? Ou t’avais prévu de passer la journée avec cette brune… » J’active le blender comme une tentative de couvrir mes mots, focusant mon intention sur le tourbillon d’ingrédients. « Je donne mon cours à 18h, mais ça te dit qu’on commence à décorer aujourd’hui? Il faut aussi que j’étudie. » Inspire, Millie. Expire. Tant de choses à faire. Mais une chose à la fois. Et décorer avec mon père est définitivement une activité que j’adore faire avec lui. « Oh! Pendant que j’y pense, j’ai un gala dans quelques semaines, une remise de bourses à l’uni. » On peut inviter des gens à y assister avec nous, bien entendu, et il serait totalement le bienvenu, mais je veux pas lui imposer d’y aller non plus. Je sais qu’il a un horaire… plutôt chargé. Je l’ai appris lors de mes récitals de ballet, plus jeune. Peut-être que maman lui en a déjà parlé, de toute manière. « J’avais pensé à une robe de chez Alvarez Créations, elles sont trop belles. Surtout que c’est la soeur d’une de mes amies en plus, autant encourager local comme on dit. » Je dis ça avec aucune intention en tête, je vous jure.

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@Benjamin Jones

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

feat. Emily

feat. Ben

J’entends bien à son ton qu’elle est insultée que je ne me souvienne pas qu’elle vient à tous les samedis. Je la comprends, je suis le premier à renoter ce genre de détails si évident. Je crois que je n’avais pas réaliser à quel point j’avais pu être autant occupé ces dernières semaines pour ne pas avoir remarquer ce petit schéma qui se dessinait tranquillement autour de moi. Normalement, j’aurais plutôt été du genre à attendre avec impatience cette journée pour profiter de la voir un peu. Je crois que c’est ce que je trouve le plus difficile de ma séparation de voir si peu mes filles. Certes, je ne passais pas forcément mes soirées avec elle, mais les simples faits de les voir dans mon environnement avait cette touche réconfortante et égayait réellement mes journées. J’imagine que j’aurais eu le même constat dans quelques années alors qu’elles commençaient progressivement à quitter le nid familial de toute façon. Autant que je me réjouis de savoir que je la verrai malgré son cursus universitaire chargé, je réalise également ce que ça implique pour ma vie amoureuse : adieu les vendredis et les samedi soir avec Emma. Du moins, je pourrais la voir, mais ça ne sera certainement pas à ma demeure familiale, je n’ai pas du tout envie de croiser ma fille avec elle pour l’instant. J’ai un petit serrement au cœur quand Emily me rappelle qu’en fait elle vient à tous les samedis pour son cours de danse. Autant que je sais que c’est une passion pour elle, autant que j’ai peur qu’elle s’en mette encore trop sur les épaules et qu’elle finisse au bas fond comme elle l’a déjà été. J’imagine au moins que ça me donnera la chance de jeter un œil sur elle au cas où que ça puisse arriver de nouveau, l’une de mes plus grandes peurs pour être parfaitement honnête.

-Bien sûr que c’est correct, dis-je d’un ton semi-étonné. Tu le sais bien que ma porte te sera toujours ouverte peu importe l’heure et le jour, hein ?

Inutile de prétendre que j’avais oublié qu’on était samedi. Emily est bien trop intelligente de toute façon, elle sait très bien que je ne suis pas du genre à oublier des journées et que je suis loin d’être en train de préparer ma routine habituelle. Quelques instants plus tard, je réalise qu’elle voulait s’assurer qu’elle était toujours la bienvenue malgré le fait que je fréquentais possiblement quelqu’un vu le constat qu’elle avait fait de cette nuit. Je ne sais pas où va me mener ma relation avec Emma encore, mais il y a une chose qui est certaine c’est que si elle n’accepterait pas que mes filles fassent partie de mon quotidien et se pointe à l’occasion comme elles le font encore, je serais du genre à mettre fin à la relation tout simplement. Emily et Crystal sont réellement ma raison de vivre encore et il n’y aura aucune femme qui viendra changer ça. Bien qu’Em ne le laisse pas paraitre physiquement, je vois bien l’amusement pétillé dans ses yeux alors que je lui parle de ses propres aventures d’une nuit. Je garde néanmoins un goût amer alors qu’elle parle du fait qu’elle aurait pu avoir un frère pour se sauver de cette remarque. Le nombre de fois que son grand-père a reproché à Jude de ne pas avoir d’héritier mâle dans notre lignée me rend particulièrement heureux de n’avoir eu que deux filles en réalité surtout après tout ce que j’ai su sur lui. Je ne crois pas que mes filles se soient néanmoins senties moins aimé pour autant, il était peu démonstratif, mais l’amour de leur grand-mère compensait largement au manque de l’autre abruti.

-Aucun frère n’aurait survécu avec vous deux, dis-je amusé.

En réalité, j’ai beaucoup de difficulté à imaginé un autre homme dans notre contexte familial. Mon univers a été parsemé de rose et de licornes si longtemps que je n’imagine même pas ma famille autrement. Toutefois, je suppose que tout comme moi si nous avions eu un fils que tout comme moi qu’il aurait eu du mal à dire non à ses sœurs qui étaient beaucoup trop habiles pour obtenir ce qu’elles voulaient. J’ai un léger rire alors qu’elle me dit que Roger a un bon dos. Je fronce légèrement les sourcils quand elle me dit que sa mère cherchait de ces temps-ci un collier ou une ceinture. Tout comme moi, Jude n’est pas du genre à être désordonnée et mon esprit vagabonde même rapidement à la possibilité qu’elle voit peut-être quelqu’un. Et si c’était un voleur ? Toutefois, je me souviens très bien de la réaction de Jude face à Emma la dernière fois et je me doute qu’elle est loin d’avoir passer à autre chose de son côté. Quoi qu’elle m’ait bien déjà trompé techniquement avec un pompier parce qu’elle était trop en colère que j’aille recoucher de nouveau avec Lean après lui avoir promis que ça n’arriverait plus avec elle. Qui sait elle s’est peut-être remise sur le marché du célibat officiellement maintenant qu’elle voit que je commence à aller de l’avant ?

-Je ne pense pas non plus que ça soit trop son style de stratagème, il préfère vraiment plus les clés d’habitude, mais je crois qu’il peut se retrouver partout à la fois. Il faut croire qu’il aime bien le bord de l’eau ici.

Je ne cacherai pas que je suis content qu’elle ne veuille pas que j’aille lui chercher un citron finalement. Je l’aurais fait, mais j’avoue que mis à part la culpabilité que j’ai qu’Emma l’ait pris, je ne trouve pas que ça soit un drame en soit qu’il lui manque cet ingrédient dans son smoothie. De toute façon, il y a bien assez de choses comme ça déjà dans son blender, non ? Alors qu’elle me demande si j’en veux, je regarde le contenu peu convaincu. Est-ce que j’ai l’air d’un lapin ?

-C’est très gentil, mais non merci.

J’aurais peut-être accepté s’il y avait une touche d’alcool, mais sérieusement en ce moment je n’ai aucun intérêt. Elle me demande alors si je suis libre et elle parle directement d’une brune. Quoi ? Dois-je en déduire qu’elle a vu Emma tout à l’heure ? C’est peut-être une bonne chose au fond surtout si elle ne me reproche pas à l’instant de sortir avec quelqu’un de très jeune. En même temps, j’imagine qu’elle ne l’a pas vu parfaitement pour autant et que c’est peut-être une mauvaise supposition. Le bruit du blender me donne au moins l’opportunité de penser quelque peu. Il serait faux de dire que j’étais réellement libre à la base, j’avais bien prévu une journée avec Emma, mais je sais qu’elle a rapidement compris que je veuille annuler tout à l’heure. Donc, techniquement ce n’est pas un mensonge si je dis que je suis libre, non ? Elle poursuit en précisant qu’elle a un cours à 18h, qu’elle veut décorer et qu’elle doit étudier. Une journée chargée pour la plupart du commun des mortels, mais normal dans la vie d’un Jones.

-Je n’ai rien de prévu aujourd’hui, donc oui ça serait parfait pour commencer à décorer. Tu pourrais étudier ce matin pendant que je vais chercher les boites dans le garage ?

Je me dis que ça allégera au moins son emploi du temps et je n’ai pas envie qu’elle se blesse en trainant une boite de toute façon. À la grandeur que j’ai, il est tout à fait logique que je m’en occupe après tout. Mes yeux s’éclairent de fierté alors qu’elle parle d’un gala et d’une remise de bourses.

-Tu as encore gagné une bourse ? demandais-je de façon très enthousiaste. C’est quand exactement ?

Il serait très difficile pour moi de ne pas en être plus fier pour être honnête. Je sais qu’elle se donne corps et âme pour ses études, elle récolte simplement le fruit de ses lauriers. Heureusement que j’ai des années de pratique en tant qu’avocat parce que j’arrive avec brio à ne pas me laisser déstabiliser par la prochaine phrase d’Emily alors qu’en réalité je panique intérieurement. Si le nom d’Alvarez m’a déjà fait comprimer mon cœur dans ma poitrine ce n’est rien en comparaison au fait qu’elle m’avoue être amie avec la sœur de la propriétaire. Est-ce qu’Emma est au courant ?

-Pour une occasion comme ça, il est certain que ça te prend une belle robe.

Je n’ajoute rien de plus, mais c’est tout à fait normal. Je ne suis pas du genre à être le premier à être intéressé réellement par la mode, je laisse ce volet à Jude. Est-ce qu’elle pourrait y aller avec mon ex-femme ? La possibilité est tellement forte en réalité. J’imagine cette scène chaotique pour Emma alors que Jude l’a déjà rencontré une fois en plus.

-Mais tu sais je ne voudrais pas que tu te limites à l’économie locale si tu as vraiment envie d’une robe parfaite pour cette soirée. Après tout, ton anniversaire est dans quelques semaines et ça pourrait être une pierre deux coups.

Je n’imagine même pas la facture si elle décide d’aller dans une boutique d’un vrai designer de Los Angeles, mais honnêtement je préfère payer 20 000$ que de laisser Emma dans cette situation malaisante. Devrais-je être honnête avec Emily à l’instant avant de mettre encore dans l’embarras ? D’une certaine façon, j’ai le goût d’en finir avec cette petite cachoterie déjà, mais d’un autre côté ma petite voix intérieure me rappelle qu’Emily est l’amie de la sœur de celle que je fréquente. Cette relation est réellement vouée à l’échec, j’ai tous les signes devant moi. Pourquoi je ne veux pas les voir ?

KoalaVolant

@Emily Jones squeeze

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

Que je vienne tous les samedis semble être une surprise pour mon père, même si bon, je peux comprendre qu’il a bougé beaucoup cet été, et que moi-même j’ai eu quelques semaines sans cours de ballet à donner et que je ne venais pas toujours jusqu’à Hilton ce jour-là quand même. N’empêche, ça ne devrait pas être une surprise, ce n’est pas nouveau, et ça a le don de m’irriter quelque peu. Ou peut-être est-ce toute cette histoire avec la brune qui a passé la nuit dans son lit qui m’irrite. Enfin, je lui demande si c’est okay que je sois venue dormir ici cette nuit, sans prévenir, guettant sa réponse dans un air presque de défi. Il semble pratiquement étonné que je lui pose la question, mais je me contente d’attendre patiemment la suite et hoche la tête quand il dit que je sais que sa porte me sera toujours ouverte, sentant mes muscles quelque peu se détendre, après avoir soutenu son regard quelques secondes de plus. Je ne dirais pas que je me sens chez moi à 100% ici, mais ce n’est pas parce que mon père me fait sentir ainsi… plutôt parce que bon, je n’ai pas grandi ici. C’est une bien jolie maison, mais ce n’est pas la même chose que la maison dans laquelle vit ma mère, disons, et où j’ai vécu plusieurs années moi-même. Avec mon père aussi. M’enfin… C’est différent, c’est tout.

Quand je lui fais savoir que je sais qu’il a passé la nuit avec quelqu’un, il me retourne le tout en me rappelant qu’il sait que j’invite une fois de temps en temps un homme à dormir avec moi ici. Fine, il a remarqué, et puis quoi alors? Oui, je n’ai rien dit sur une quelconque visite nocturne, mais ce n’est pas parce que j’ai tenté de le cacher délibérément. C’est juste que… je me vois mal dire à mon père que je reçois la visite d’un gars avec qui je couche ici et là sans avoir comme plan qu’il ne devienne mon petit ami. J’suis trop occupée pour ce genre de relation et je me vois mal parler de ma vie sexuelle avec mon père. Celui-ci met d’ailleurs la disparition de mon citron sur le fantôme qui nous suit apparemment depuis de nombreuses années. Je me demande ce qui tracasse mon paternel à froncer des sourcils comme ça, ce qu’il pense. Pour ma part, je suspecte Crystal d’avoir pris son collier préféré, m’enfin… il est magiquement réapparu dans son coffre à bijoux deux jours après. « Qui n’aime pas le bord de l’eau », je réponds dans un petit sourire en coin. « Avec une grande piscine comme ça, Roger a de quoi ne pas s’ennuyer. » Je fais un signe du menton en direction de la cour arrière, avant de reporter attention sur le blender et les ingrédients que j’y ajoute. Sans citron, quelle tristesse. Mon smoothie matinal ne sera pas à la perfection comme je l’aime d’habitude et ça m’agace juste assez, mais je trouve ça un peu ridicule que mon père se déplace jusqu’à l’épicerie seulement pour un petit fruit. « Tant pis, tu manques mes talents culinaires, ils viennent directement d’Andrew tu sais », je plaisante, amusée, quand il refuse que je lui en serve aussi. Bon, Andrew ne m’a pas montré spécifiquement à faire des mélanges comme ça, mais il montré des petites choses en cuisine ici et là, ça compte non?

Je tente de cacher ma petite pique sur sa belle brune en partant le blender, me concentrer sur le bruit pour réfléchir à la suite de mes paroles et tenter de me calmer. Il a le droit de voir quelqu’un… je me rappelle en boucle dans ma tête. Le silence étant revenu dans la cuisine, je lui demande si ça lui dit qu’on commence à décorer pour l’Halloween et ma soirée, lui exposant au passage mon plan de match un peu beaucoup chargé. Soupir. Ça va, ce n’est pas comme si je n’avais pas l’habitude. J’étudie souvent les weekends, bien plus que je prends des jours de congé. Le monde de la recherche n’attend pas. Je souris en me versant un verre de smoothie quand il me dit qu’il a rien prévu aujourd’hui. « Génial, merci », je dis quand il me suggère d’étudier pendant qu’il va chercher les boîtes. À vrai dire, j’en suis plus que ravie et je m’en vois totalement soulagée. Disons qu’aller chercher des boîtes dans le garage est loin d’être mon activité préférée, c’est long et ça ruinerait sans doute la manucure que j’ai été me faire faire avant-hier à LA.

Je lui fais part de mon gala à venir et surtout de mon besoin de robe aussi. Je ne peux réprimer un grand sourire quand il s’enthousiasme sur ma nouvelle. Je n’ai jamais été du genre à prétendre être modeste pour ce genre de trucs; j’ai travaillé fort pour avoir cette bourse, les papiers à remplir et à écrire ont été un vrai cauchemar, mais mes efforts ont porté fruit. Certes, cette bourse vient avec une petite somme d’argent qui soulagera ma chercheuse de devoir me verser un salaire elle-même, mais il faut dire que c’est davantage la mention sur mon CV qui m’attirait. (Et okay, un peu plus d’argent dans mon compte de banque ne fait pas de tort, même si c’est un fait universel que je ne me retrouverai jamais à la rue.) « Ne sois pas aussi surpris », je le taquine visiblement. « C’est le 23 novembre. Un jeudi soir. Si tu penses venir, fais-moi savoir et je t’ajouterai à la liste d’invités? » J’imagine que ma mère n’a pas dû lui en parler, finalement, mais je dois avouer que l’idée de les voir assis un à côté de l’autre pour moi me plaît bien. Il agréé que ça me prend une belle robe pour l’occasion, et je me contente de hocher la tête. Non mais, je vais quand même pas remettre une de mes anciennes robes pour une remise de bourse. Il ajoute cependant qu’il ne veut pas que je m’en tienne à l’économie local, et qu’on pourrait faire une pierre deux coups pour mon anniversaire. « Ou… une robe pour mon anniversaire, et une pour mon gala », je dis de manière tout à fait innocente en haussant les épaules. Quoi que, s’il dit vouloir faire une pierre deux coups, peut-être accepterait-il de payer pour une robe de la nouvelle collection d’Alexander McQueen. Huuum, c’est à cogiter tout ça. « Et les robes Alvarez, c’est surtout qu’elles sont vraiment en voie d’être ultra reconnues même à LA, et comme ça, j’aurai été une des premières à les porter avant que tout le monde en ait. » Elles sont déjà populaires, mais il y a encore cette aura d’exclusivité du sens où toutes mes amies de mon cercle social de LA ne connaissent pas encore cette marque, ce qui me plaît bien pour être franche. Et bon, bien sûr que je veux encourager la soeur de mon amie, mais si je suis franche avec moi-même, ce n’est pas la première raison.

Je rince le blender, le dépose dans le lavabo et attrape mon verre dont je prends une gorgée. Rafraîchissant, mais il manque définitivement quelque chose et là, ça goûte trop… vert. « Je vais aller étudier un peu, on se retrouve dans quelques heures pour dîner? Et après, les décos? » Je souris, avant de partir dans ma chambre et m’installer à mon bureau avec mon ordinateur. Posture bien droite, je me plonge dans les articles que je dois lire en vue d’agrémenter mes propres recherches. Le smoothie m’a quelque peu fait du bien, mais, bien vite, je commence à succomber à ce mal de tête qui ne me lâche pas et à piquer du nez. J’ouvre les yeux quand ça cogne à la porte de ma chambre. J’attrape lassement mon téléphone pour regarder l’heure. Il est déjà une heure? Fuck. Avec tout ça, j’ai pas étudié encore. Ça cogne de nouveau et je me dépêche d’aller ouvrir. Comme je m’y serais attendue, c’est mon père. Je baille, une main devant ma bouche, avant même d’avoir pu dire quoi que ce soit. « Donne-moi cinq minutes et j’arrive? »

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@Benjamin Jones

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

feat. Emily

feat. Ben

Emily marque un point. Le bord de l’eau est sans aucun doute un attrait que la plupart du commun des mortels apprécient en général et je n’échappe pas à cette convention. J’ai beau avoir été un vrai citadin pendant plusieurs années à Los Angeles, la tranquillité d’Hilton, cette brise marine et le simple son des vagues qui frappent sur les rochers le matin viennent compenser le manque de grands restaurants dans la petite ville. Parfois, j’ai tellement l’impression que j’ai mis toutes mes énergies à bâtir ma carrière que j’en ai presque oublié ma véritable essence derrière et les choses que j’appréciais réellement avant même d’être père. Ma séparation avec Jude aide certainement à me retrouver d’une certaine façon, je n’avais jamais pensé en tant qu’homme qui aime avoir le contrôle sur sa vie que je serais autant libéré de sortir enfin de cette routine perpétuelle qui s’était établie entre nous depuis déjà deux décennies. Si au début j’ai eu de la difficulté à m’habituer de ne pas avoir mon repas cuisiné sur la table en arrivant de travailler, je me suis rapidement adapté néanmoins.

-Ton parrain ne prendrait que les ingrédients les plus frais pour sa recette, dis-je en haussant les épaules.

Je me souviens d’avoir déjà fait le tour de trois poissonneries avec lui dans le passé uniquement parce qu’il voulait réellement servir le meilleur plat possible, je sais qu’il a très à cœur sa passion et qu’il n’utiliserait jamais de fruits congelés comme dans le smoothie d’Em en ce moment. Le non-verbal d’Emily est tout de même très expressif, mais c’est uniquement parce que je connais bien ma fille. Je vois bien que ça la dérange que je vois une autre femme et je peux quand même le comprendre. Mon enfance était certes très différente de la sienne, mais je n’avais pas accueilli avec joie mon beau-père quand ma mère avait commencé à sortir avec lui. J’avais eu besoin de plusieurs mois avant de réellement m’adapter, mais il faut dire que ma mère avait passé un sacré quart d’heure avec mon père adoptif dans le passé. J’ai sans doute développé un mécanisme de défense pour elle alors qu’Emily n’a clairement pas besoin de le faire pour moi. Voudra-t-elle le faire pour sa mère ? Même si je sens Jude plus épanouie ces dernières années, je sais que notre séparation n’était pas l’issue qu’elle souhaitait non plus. La tension dans la pièce s’adoucit aussitôt qu’Emily parle de son gala. Je lâche un petit rire quand elle me dit de ne pas être si surpris c’est vrai que je ne devrais pas l’être d’une certaine façon, elle a tellement remporté de prix jusqu’à présent, mais en tant que père j’en suis toujours aussi fier. Je regarde rapidement mon agenda pour confirmer que je suis bel et bien disponible.

-Tu peux m’ajouter à ta liste, je serai là.

J’envoie rapidement un message à mon assistante pour lui dire de bloquer ma journée et le lendemain matin également. Il y a peut-être des chances que je dorme à Los Angeles dans un hôtel cette soirée-là au lieu de faire la route tardivement. Normalement aller à l’hôtel est synonyme souvent de conquête pour une soirée, mais avec Emma que je fréquente déjà depuis bien des semaines je crois que ma seule activité principale sera de dormir pour cette fois. Mon pouls accélère largement quand Emily parle des robes Alvarez. Est-ce une simple coïncidence ou a-t-elle vu Emma finalement à l’extérieur ? Déjà qu’elle ne semble pas charmée que je fréquente d’autres femmes que sa mère, je n’imagine même pas sa réaction si elle apprend que cette dernière est pratiquement de son âge. J’utilise donne une distraction très efficace pour n’importe laquelle de mes filles : lui offrir une opportunité encore plus alléchante. Une tactique qui semble fonctionner à merveille du moins juste à temps que je me rappelle que ma fille est aussi brillante que moi et qu’elle tente encore une fois de tirer la situation à son avantage. Si mon visage est froid, je ne peux nier avoir une pointe d’amusement derrière cette façade.

-Commençons par voir si je devrai vendre un rein sur le marché noir après l’achat de ta première robe ? dis-je amusé.

Mon exemple est totalement disproportionné, ce n’est quand même pas une robe qui va me mettre en péril financier, mais il est vrai que parfois je suis surpris du prix que la haute-couture peut être évalué. Je vois le pétillement dans les yeux alors qu’Emily parle des robes d’Emma, j’aimerais tellement que cette dernière puisse entendre tous ces mots. Elle a vraiment de quoi être fière de sa collection si elle a suscité autant d’intérêt de la part de ma fille.

-Ça me semble un bon plan, bonne étude.

Je laisse Emily partir vers sa chambre et pour ma part je vais directement dans le garage pour descendre les boîtes d’halloween qui sont situé dans l’une des étagères tout en haut. Je me mets un peu de Guns n’ Roses en fond pour rendre la tâche un peu moins pénible, mais malgré tout ma corvée se fait beaucoup plus vite que ce que j’avais présagé. J’avais oublié à quel point ma collection de décorations d’halloween avait diminué depuis que je n’étais plus avec Jude et je roule encore des yeux à la simple idée qu’elle a voulu conserver ce clown grandeur nature alors qu’il lui a toujours fait peur. Alors que je pose les lumières à l’extérieure en hauteur pour nous sauver du temps, je regarde la façade de ma maison et j’ai l’impression sincèrement que je n’aurai pas le résultat escompter. Après tout, j’avais eu ce sentiment l’année dernière si je me souviens bien. Je n’hésite plus une seconde et je décide de prendre les clés de ma Audi pour me diriger au centre commercial d’Hilton. Aussitôt entré, aussitôt je me rappelle à quel point j’ai toujours détesté les magasins. Je décide d’acheter seulement de nouvelles lumières pour réellement réussir à faire le tour de la façade. Je prends bien note des éléments présents dans le magasin, mais je préfère en parler avec Emily avant d’acheter de nouvelles décorations plus extravagantes. Après tout, ça l’a toujours été un peu notre truc à nous. Je me rends compte également que l’inventaire en magasin est beaucoup plus limité que certains magasins de Los Angeles. Peut-être que je pourrais y aller la semaine prochaine un soir avec Emily et qu’on souperait ensemble ? Je suis certain qu’elle appréciera l’effort que je me déplace à Los Angeles pour la voir. J’arrête à la petite fruiterie comme je suis déjà sorti pour aller racheter des citrons à ma fille puis je passe au resto d’Andrew nous chercher quelque chose pour dîner. Quand je reviens à la maison, je ne suis pas surpris de voir Emily à l’étage encore. Elle est tellement studieuse qu’elle ne doit même pas avoir remarqué le temps qui a filé, mais je ne veux pas qu’elle mange froid quand même. Je vais donc cogner à sa porte pour lui avertir que le repas est prêt. J’hoche la tête quand elle me dit qu’elle sera prête dans cinq minutes et je redescends. Je suis en train de répondre à un message texte d’Emma avec un petit sourire quand je la vois finalement descendre et je me dépêche de ranger mon téléphone dans la poche de mon jeans avant qu’elle ne commence à jouer à Nancy Drew avec ma vie amoureuse.

-J’ai arrêté au resto d’Andrew, il t’a mis une double dose de chocolat sur ton dessert.

Je commence à sortir les contenants du sac en papier, tout a tellement l’air succulent.

-Il parait que c’est des pâtes fraîches cuisiné par une vraie italienne… Il faut croire qu’elles doivent être vraiment bonnes s’il laisse quelqu’un d’autre prendre le contrôle de ses recettes.

S’il y a bien un trait de famille que nous avons en commun moi et mon cousin c’est bien d’être contrôlant en affaires. Autant il peut paraitre d’un vrai gamin quand on regarde son pedigree avec les femmes autant qu’en hommes d’affaires, il est un sacré requin comme moi.

-J’ai déjà posé les lumières à l’extérieure, j’ai dû aller en acheter des nouvelles, je me souvenais qu’on en avait manqué l’année dernière. Il n’y a pas grand-chose à Hilton niveau décoration, si ça te dit on pourrait aller voir un soir de semaine à Los Angeles ?

KoalaVolant

@Emily Jones squeeze

And Maybe I Don't Quite Know What to Say

Comme je manque de temps dans mes journées bien remplies, cuisiner n’est pas une priorité pour moi, mais j’aime bien exercer cette activité une fois de temps en temps, en particulier avec mon parrain, la personne parfaite pour m’apprendre des trucs dans ce domaine comme c’est littéralement sa profession. Sinon, je me contente de faire mes smoothies chaque matin, petite case que je peux cocher dans le habits tracking de mon agenda virtuel. J’affiche un air boudeur quand mon père me fait remarquer qu’Andrew utiliserait seulement des ingrédients frais pour sa recette. Le truc, c’est qu’il n’a pas tort. « J’ai pas toujours le temps d’aller à l’épicerie, je suis une femme occupée », je dis finalement tout simplement en haussant les épaules.

J’ai vraiment beaucoup de mal à imaginer mon père avec une autre femme. Certainement que je veux qu’il soit heureux, mais ne l’était-il pas avec ma mère? Clairement, si j’ai une belle-mère un jour, ça me ferait trop bizarre… de devoir célébrer Noël ou Thanksgiving avec une autre femme que ma mère aux côtés de mon père, ce genre de trucs. Je finis de toute manière par lui parler de mon gala, ça ne servira à rien d’éterniser le sujet, je n’ai pas particulièrement envie d’en savoir plus sur cette mystérieuse brunette. Avec un peu de chance, ce n’était qu’une histoire d’une nuit et c’est pour ça qu’elle est sortie en douce ce matin, ou bien ça ne durera pas. Non, ça ne durera pas parce qu’il va bien vite se rendre compte que c’est Jude, la femme de sa vie. Même s’il aurait dû s’en rendre compte quand il l’a trompée, m’enfin… Je tente de contenir mon sourire quand mon père dit qu’il sera là, à mon gala. Je tente de ne pas me faire trop d’espoir, c’est déjà arrivé dans le passé qu’il dise qu’il serait là alors qu’il a dû annuler à la dernière minute. Je patiente pendant qu’il tapote sur l’écran de son téléphone, j’imagine qu’il écrit à son assistante. Déjà là, je pense que les chances qu’il vienne sont grandes et je m’en réjouis.

Je trouve que l’occasion serait parfaite pour une nouvelle robe. Je tente de faire voir mon point à mon père en lui parlant spécifiquement de la marque que je veux. Les créations Alvarez sont définitivement un coup de coeur depuis qu’on est à Hilton, ça ne m’étonnerait pas que la propriétaire devienne aussi célèbre que YSL un jour. Ce n’est pas pour me déplaire que mon père ramène mon anniversaire dans la conversation, mais j’y vois plutôt l’opportunité d’avoir deux nouvelles robes. Deux événements à venir, une robe par événement. Logique, non? Je roule des yeux, néanmoins amusée, quand il dit qu’on va commencer par voir s’il devrait vendre un rein sur le marché noir. « Tu penses vraiment que je te laisserais vendre un rein pour une simple robe? » Je fais mine d’être offensée. « Pour une Mercedes, par contre… Ahah, je blague », je me reprends. De toute manière, j’aime bien l’idée d’avoir une robe d’Emma Alvarez, elles ne tarderont pas à être partout sur les tapis rouges et autant être une des premières à en avoir affiché sur les réseaux sociaux.

Je finis par m’éclipser à ma chambre pour étudier d’ici à ce qu’on dîne, comme mon père a généreusement proposé d’aller chercher les boîtes de décorations pour nous. Mais peu après m’être installée à mon bureau, je finis par m’endormir et ce sont les coups à la porte de ma chambre qui me réveillent. Frustrée contre moi-même, je tente de diminuer la panique qui s’est réveillée en moi quand j’ai réalisé que j’avais dormi pendant quelques heures au lieu de lire les articles scientifiques comme j’avais prévus. Après avoir été dire à mon père que je serais là dans cinq minutes, je parcours ma to-do list sur mon ordinateur en me rongeant l’ongle du pouce. Merde, merde, merde. Je vais être en retard dans mes affaires. Tout ça pour quoi? Pour une soirée qui a fini bien trop tard, en me laissant avec un bon petit hangover et un mal de tête inclus. Il faudra que je reprenne ce temps si je ne veux pas être trop en retard, mais bon, pour l’instant, je dois me rappeler que je dois remplir mon estomac d’abord. Et je ne peux pas reporter l’installation des décorations parce que mon anniversaire arrive et il vaut mieux que ça soit fait maintenant qu’à la dernière minute. Rien ne me stresse plus qu’être à la dernière minute.

Je finis par descendre à la cuisine rejoindre mon père, qui m’attend avec des plats du restaurant d’Andrew, comme il me l’indique. « Cool », je réponds vaguement quand il me dit que mon parrain m’a mis une double dose de chocolat sur mon dessert. Le chocolat, j’ai du mal à m’en passer, même quand j’essaie de faire plus attention à ce que je mange. Normalement, je me serais plus réjouie que ça, j’apprécie totalement ce genre de petite attention, mais j’ai la tête ailleurs. Je m’installe près de mon père alors qu’il commence à sortir les plats des sacs et qu’il m’explique toute cette histoire de pâtes. Pour être franche, je suis tellement préoccupée par ma perte de temps ce matin que j’entends à peine deux mots de ce qu’il dit. « Hum-hum, vraiment génial », je réponds de manière générique, avant de finalement me lever pour aller chercher le contenant d’eau filtrée dans le frigo. C’est là que je remarque les citrons dans le bac à fruits, et ça me met un petit deux secondes à réaliser que mon père est passé en chercher pendant que je… dormais. J’apprécie le geste, mais en même temps, ça m’agace un peu (pour rien) parce que je repars demain pour Los Angeles de toute manière. « Je vais en prendre un demain matin, mais il faudra pas que tu oublies de l’utiliser cette semaine, sinon ça va se gaspiller », je dis un peu plus sèchement que nécessaire. Il m’explique qu’il a posé les lumières, et j’en profite pour regarder rapidement vers l’extérieur même si je ne les vois pas d’ici. C’est un soulagement, à vrai dire, qu’il ait déjà commencé à les poser, parce que ce n’est clairement pas la partie la plus fun. « Okay, mais pas cette semaine, je suis vraiment occupée », je dis sombrement en me rassoyant à côté de lui. Non, parce que cette semaine, il va falloir que je rattrape ce que j’ai manqué en termes de temps d’études, ça va être une vraie joie. Nope. J’attrape un des plats ainsi qu’une une fourchette et je commence à manger à coups de minuscules bouchées. « Je pense qu’il y aura une cinquantaine de personnes cette années », je dis en fixant le vide devant moi, essayant de me changer les idées. C’est pas tout le monde qui a donné sa réponse à mon invitation, beaucoup de gens le font à la dernière minute, mais c’est surtout une estimation. « Tu vas faire quoi, toi, ce soir-là? » je demande en lui jetant un petit regard, comme pour le défier de me dire qu’il va être avec cette brunette que j’ai aperçue un peu plus tôt.

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@Benjamin Jones

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feat. Emily

feat. Ben

J’ai un sourire alors qu’Emily rétorque tout simplement qu’elle est une femme occupée. C’est un peu ironique de le dire dans une phrase qui concerne son parrain. Après tout, s’il y a bien un homme d’occupé c’est bien lui. Je crois que par moment il est encore plus bourreau de travail que moi. Toutefois, je vois exactement ce qu’elle veut dire. En fait, c’est même déjà bon qu’elle aille elle-même à l’épicerie à son âge. Cela ne fait que depuis ma séparation avec Jude que je vais réellement faire des commissions de mon côté. Certes, il m’arrivait d’arrêter pour un truc ou deux, mais pas pour des épiceries complètes. Le sujet dévie finalement vers le gala d’Emily, je vois néanmoins la surprise dans son visage quand je lui dis que je serai là et ça me fait quand même un pincement au cœur. Il y a tellement d’évènements que j’ai manqué tout au long de leur enfance, si parfois il était vrai que c’était à cause de mon travail, il y a en revanche quelques fois que j’admets que c’était parce que je n’avais pas envie d’afficher ce sourire de petite famille parfaite aux côtés de Jude tout simplement. Et bien entendu, le gala semble l’occasion parfaite pour tourner les yeux de ma fille en forme de $ en ne parlant pas d’une, mais bien deux robes au passage.

-On ne sait jamais… Je ne comprendrai jamais votre obsession pour la mode à toutes les trois de toute façon. Une Mercedes ça va encore comme goût de luxe, mais tu auras beaucoup plus de bonheur et de fierté quand tu pourras te l’acheter par tes propres moyens.

J’aime beaucoup mes filles, mais je ne suis pas encore rendue à leur offrir une voiture luxueuse pour autant. De mon côté niveau mode, j’avais certes de beaux vestons, mais ma garde-robe était quand même très simple si je comparais à la section du Walk-in qu’avait Jude. La plupart du temps c’était plutôt elle qui me rachetait du linge et j’avoue que je trouvais ça la plupart du temps assez inutile. Personne n’allait me juger si je portais la même couleur de chemise pour le reste de la semaine. Je laisse finalement Emily monter à l’étage pour aller m’occuper des décorations de Noël dans le garage ce qui se traduit finalement par un détour dans un magasin et un arrêt au restaurant de mon cousin. Quand ma fille descend finalement me rejoindre, je fronce les sourcils quand elle n’a aucun intérêt face au chocolat. Est-ce qu’il s’est passé un truc que j’ai manqué ? Alors que je continue de faire la discussion, j’ai vraiment l’impression de parler directement à un mur et je ne suis même pas certain qu’elle m’a écouté. Je ne peux m’empêcher de penser que ce changement radical de comportement est peut-être lié au fait que j’ai vu Emma hier soir. Pourtant, Emily avait l’air tout de même souriante et d’humeur blagueuse quand on s’est laissé tout à l’heure. Était-ce seulement une façade pour ne pas me montrer à quel point ça l’agaçait et que depuis elle a eu le temps de mijoter encore plus sur le fait que je n’allais sans doute pas rester célibataire bien longtemps ? Peut-être. Quelques secondes plus tard, je la vois ouvrir le frigo et alors que je pense que ça lui fera plaisir que je lui aie racheté des citrons. Elle est aussi froide que tout à l’heure.

-Tu peux les emmener à ton appartement sinon, c’est tellement rare que je mange ici de toute façon, dis-je en haussant les épaules.

C’est quand même faux surtout de ces temps-ci, il m’arrive régulièrement de manger avec Emma à la maison. Il faut dire que je n’ose pas trop aller encore en public avec elle considérant que mes filles ne sont pas du tout au courant de notre relation pour l’instant. J’essaie d’y aller une étape à la fois. Puis, Emily rejette pratiquement du revers de la main ma proposition d’aller acheter des décorations cette semaine ce qui ne lui ressemble pas du tout. Elle ne semble même pas être ravie par l’idée, avoir su j’aurais peut-être acheter directement des décorations tout à l’heure.

-D’accord, tu me diras quand tu seras dispo alors.

J’ai l’impression de marcher littéralement sur des œufs en ce moment comme si Emily était sur le point d’exploser à tout moment. J’hoche la tête quand elle me dit le nombre et j’essaie de ne pas trop réagir. Cinquante personnes. Cinquante personnes dans MA maison. J’ai tellement tous les scénarios catastrophe possibles en tête. Je sais très bien qu’il fraude que je me tienne loin de Hilton ce soir-là sinon j’aurai tendance à vouloir venir voir que ma maison n’est pas en feu. Et pourtant les filles en soit n’ont jamais réellement fait de bêtises quoi que je leur en veux encore un peu d’avoir brisé ce vase de collection que nous avions fait importé de la Grèce avec Jude. Tout se passera sans doute bien et dans tous les cas je préfère que mes filles fassent la fête chez moi dans un endroit sécuritaire et contrôlé que dans n’importe quel autre endroit.

-Si jamais tu as besoin de quelque chose de précis tu m’enverras la liste, je demanderai à Juanita d’aller faire les courses avant ton party.

Ça ne m’embête pas de payer pour des milliers de sacs de chips, mais je n’ai certainement pas la patience d’arrêter moi-même faire cette épicerie. Je me dis que ça pourra être une façon d’aider Emily qui a un horaire super chargé de ces temps-ci. Alors que je prends une bouchée de mon repas quand même en silence, j’ai bien vu qu’Emily ne veut pas trop parler, je suis presque surpris quand elle me pose une question. Toutefois son petit regard perçant me fait douter de ses réelles intentions dans sa question. Est-ce qu’elle veut simplement savoir si je vais revoir Emma ? Je n’ai plus aucun doute que son humeur plutôt négative est entièrement reliée à elle désormais. Je soupire intérieurement. Je n’imagine même pas quand je lui apprendrai l’âge d’Emma si déjà elle semble en colère que je vois simplement quelqu’un. Qu’est-ce que je suis supposé répondre à tout ça ? Il était vrai qu’à la base je pensais passé la soirée, voir même toute la journée avec Emma ici, mais les plans sont désormais très différents avec Emily qui reste dans les parages jusqu’à demain.

-Je n’ai rien de prévu en particulier, continuer d’écouter Peaky Blinders peut-être ? Et toi tu as prévu quoi après ton cours ? Si jamais tu voulais qu’on sorte souper à quelque part, je suis partant.

J’ai vraiment l’impression qu’elle va rejeté ma proposition rapidement, mais j’essaie pour l’instant de faire comme si je ne me rendais pas compte qu’elle semblait agacé par la situation.

KoalaVolant

@Emily Jones squeeze

@Benjamin Jones

@Emily Jones

- Quelque part en Octobre -

Une nouvelle robe pour mon gala, et une nouvelle pour mon anniversaire. Je trouve ça plutôt raisonnable et je tente de rassurer mon père que je ne laisserais jamais vendre un rein pour ça. Bien entendu, les robes que je veux ne coûtent pas seulement un petit 200$, plutôt avec un zéro de plus, mais je trouve ça raisonnable comme ce sont des robes de designers. « Et pourtant, tu es toujours bien habillé, même si je sais très bien que la plupart viennent de maman », je le taquine dans un petit sourire. Du moins, dans le passé. Reste que lui aussi, il a toujours des vêtements de marque. Je ne peux m’empêcher de rouler des yeux en soupirant quand il ajoute que j’aurai beaucoup plus de bonheur à acheter ma future Mercedes par mes propres moyens. « Si tu me transfères l’argent dans mon compte, ce sera techniquement par mes propres moyens », je réplique dans un grand sourire d’ange, battant des cils à répétition. Je comprends bien entendu ce qu’il veut dire, mais je préfère jouer sur les mots. Et puis, ce ne sera pas demain que je pourrai me payer une Mercedes avec un salaire de recherche, surtout étudiante.

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Je n’ai pas toute ma tête quand je redescends un peu plus tard. Et ça n’a pas de lien direct avec mon hangover, malheureusement. M’enfin, si, d’un sens. Parce que si je n’étais pas en hangover, je ne me serais pas endormie, et je n’aurais pas manqué tout ce précieux temps pour étudier. L’anxiété qui grimpe en moi au fur et à mesure que les secondes sans étudier passent m’a un peu coupé l’appétit et même l’envie de chocolat, alors que d’habitude j’ai beaucoup de mal à résister aux desserts de mon parrain, même quand je choisis de ne pas prendre de dessert la majorité du temps. Les paroles de mon père me passent d’une oreille à l’autre et je finis par me lever pour aller chercher de l’eau. C’est alors que je remarque les citrons et je passe une remarque à mon père, qui me suggère de les amener chez moi. Aussi distraite que je le suis, ce n’est même pas une possibilité qui a effleuré mon esprit. C’est une bonne idée, en fait, je crois que je n’en ai plus du tout chez moi de toute manière. « Ah, super. » Alors que je reviens m’assoir avec lui, il me suggère de venir magasiner des décorations avec moi à Los Angeles. J’aime bien l’idée en vrai, parce qu’on n’aura jamais assez de décorations — m’enfin si, il faut savoir doser — et qu’il y a quelques petits trucs que j’aimerais bien ajouter, mais cette semaine, ça ne sera pas possible si je veux être à jour dans mes études. Il faut que je remette un papier bientôt et j’ai tant à faire encore, à commencer par de longues lectures… Je me contente de hocher la tête, ajoutant une petite note dans un coin de ma tête pour regarder mon agenda un peu plus tard et lui donner une date qui pourrait convenir.

J’essaie de me changer les idées en parlant du nombre de personnes qu’il y aura probablement au party, même si en réalité ça me paraît moi-même beaucoup, mais Crystal avait une tonne de nouveaux amis qu’elle voulait absolument inviter, et je me suis fait quand même quelques amis à Hilton cette année et je leur ai permis d’inviter des gens, alors bon, ça grimpe vite. Normalement, je me serais amusée de la réaction de mon père que j’aurais guettée avec attention, parce que les années précédentes, il y avait toujours moins de trente personnes, même plus près de vingt parfois. Mais je fixe le vide, toujours aussi perdue dans mes pensées, ne pouvant arrêter de repasser encore et encore ma liste de choses à faire dans les prochains jours. Si je pouvais reporter mon anniversaire, je le ferais. Mais mon anniversaire est le jour de l’Halloween et ça ferait bizarre de célébrer l’Halloween le 10 novembre, disons, non? Le hype serait passé et il faudrait que je trouve un autre thème. « Super, merci, je regarderai ça bientôt », je dis platoniquement.

Certes, je dois avouer que, lorsque je lui demande ce qu’il fera la soirée de mon party, j’aimerais savoir s’il compte revoir cette brunette que j’ai vue sortir de chez nous tantôt. Okay, non, je ne veux pas réellement savoir, mais oui en même temps. Bon, pour me changer les idées, c’est fait. Je hausse un sourcil à la mention de Peaky Blinders. Le seul élément qui me motiverait à regarder cette série, c’est Sam Claflin, et il faudrait que j’attende la cinquième saison et… meh, je suis pas tant fan de sa moustache de toute manière. Mais quand mon père me demande ce que j’ai prévu après mon cours et si je veux qu’on sorte souper après, je sens plutôt une vague de panique monter en moi et je fige complètement. Décorations, cours de ballet… déjà, je me suis levée un peu plus tard que prévu à cause de ce foutu hangover. Je pensais que j’arriverais facilement à me rattraper, mais non, il a fallu que je me rendorme. Et en plus, c’était sûrement pas un sommeil réparateur comme ce n’était pas confortable du tout, à mon bureau. Ça n’a sûrement servi à rien, donc perte de temps totale. J’ai perdu un bon trois heures sans en être consciente et c’est assez pour me faire sentir comme si j’avais perdu le contrôle. En une fraction de seconde, mon rythme cardiaque a accéléré et je tente de prendre de grandes inspirations comme chaque fois que ça m’arrive. « Je peux pas, je dois étudier », je dis finalement de manière très froide. « J’ai un horaire très chargé, je te l’ai dit tantôt. » Même si c’était en blague un peu plus tôt, quand on parlait de cuisiner. Là, ce n’est pas en blague du tout. J’expire en fermant les yeux. C’est ce qui m’agace le plus, c’est que si je n’avais pas à reprendre mon temps pour étudier, j’aurais adoré aller souper avec mon père. Rien que lui et moi, parce que ça n’arrive pas si souvent; souvent, Crystal se joint à nous, et c’est normal me direz-vous, mais j’aime bien avoir mon père pour moi toute seule aussi une fois de temps en temps. Même si, parfois, nos discussions peuvent devenir très… animées. C’est comme ça qu’on garde ça intéressant, non? Mais là, par ma faute, je ne pourrai même pas relaxer ce soir, et je suis juste tellement fatiguée, la journée va me paraître vraiment longue… « De toute manière, ça te fera du temps de plus avec ta nouvelle petite amie ou peu importe », je lâche avant d’avoir pu me retenir. Quand je suis stressée, disons que je ne suis pas la plus agréable. En plus d’avoir ma vie de malade à gérer, il faudra possiblement que je gère le fait que mon père va se trouver quelqu’un d’autre que ma mère.

Enfin, je soupire, tentant de reprendre mon calme. Au final, je sais que j’ai été trop loin. « Je suis désolée. J’aurais voulu sortir aller manger avec toi ce soir, mais je ne peux pas. Je me suis endormie tantôt au lieu d’étudier et je dois rattraper tout ça en revenant du ballet. J’ai des lectures à faire pour un article que je dois écrire pour bientôt. » Je loge mes mains dans mes cheveux, coudes sur la table, essayant de m’encourager mentalement. Ça ne paraît comme rien, j’en suis sûre, de l’extérieur, mais ça me paraît à moi comme une montagne.

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feat. Emily

feat. Ben

Ma fille me rétorque que je suis pourtant bien habillé. Est-ce que j’ai vraiment le choix ? Dans le métier que je suis tout est une question de première impression autant envers le juge que mes propres clients. Mais ma fille a bien raison, c’est bien Jude qui a toujours été derrière mes choix vestimentaires et c’est à cause d’elle que j’ai appris à mieux m’habiller. Je n’ai pas eu beaucoup le choix en fait après que nous nous sommes mariés, elle m’avait déjà acheté une nouvelle garde-robe complète. Il n’était pas question pour elle que son mari porte un vieux morceau de linge qui commence à être usé. Jude était née dans la luxure et c’était les standards qu’elle avait toujours connu bien différent des miens dans un contexte de famille monoparentale. Je portais parfois des vieux gilets de mes cousins que nous avait donné ma tante pour aider financièrement ma mère. Toutefois, j’avais rapidement pris goût à la différence qu’il y avait entre la simple texture d’une chemise griffée versus une chemise simplement achetée dans un magasin grande surface. Et je me suis totalement perdu dans cet univers la journée où je pouvais réellement me payer avec mon salaire d’avocat ce luxe tout en prodiguant le même niveau de confort comme le souhaitait Jude pour nos filles. Devenir indépendant de mon beau-père financièrement avait réellement été ma plus grande fierté. Les milliers d’heures supplémentaires que j’avais faite à l’époque avait décidément fini par payer et m’offrir des responsabilités supplémentaires tout comme d’important bonus de performance.

-Ça te prendra un meilleur plaidoyer pour me convaincre, dis-je amusé quand elle me dit que si je lui transfère l’argent ce sera techniquement elle qui paie la voiture.

Parfois, je me demande vraiment si mes filles ont conscience de la valeur de l’argent. Toutefois, je suis bien le seul à blâmer dans une telle situation. J’ai toujours été plus du genre à travailler pour leur offrir ce qu’elles voulaient réellement que de leur demander de me faire des demandes plus raisonnables.

***

Emily est tellement distante qu’à un certain moment, je songe même à aller chercher mon journal dans le salon. J’ai l’impression de parler littéralement à un mur en ce moment autant faire mes mots croisés. Qui sait peut-être que de m’aider à trouver une réponse sera plus amusant pour Emily que de me parler directement ? Est-ce que c’est vraiment juste à cause d’Emma ? C’est le seul élément déclencheur que je vois jusqu’à présent pour sa mauvaise humeur et je soupire intérieurement. Je savais déjà qu’en revoyant Emma en France que ça serait loin d’être un long fleuve tranquille, mais je ne pensais pas que ça serait si pire. Je me retiens pour ne pas rouler des yeux quand je l’invite à souper avec moi et qu’elle me rétorque de façon sèche qu’elle a un horaire occupé et qu’elle me l’a déjà dit. Pardon de vous avoir dérangée avec ma question, madame. Le plus ironique c’est qu’elle me répond exactement de la même façon que je l’aurais probablement faite quand un associé de mon cabinet me demande une question totalement stupide dont il a tout à fait la réponse. Je déteste perdre mon temps et c’est pire quand c’est les autres qui me le font perdre. Je ne réponds rien et je continue de manger dans le silence. Je relève les yeux découragés intérieurement alors qu’elle me lance une pique directement en lien avec la brune avec laquelle j’ai passé la nuit. Il n’y a plus aucun doute que c’est ça qui l’a vraiment dérangé. Quelle sera sa réaction quand elle apprendra que cette même brune à seulement trente ans ?

-Ça te dérange vraiment tant que ça que je commence à voir quelqu’un ? Ta mère est déjà au courant.

Je ne sais pas si je viens de lui donner trop d’informations en lui disant ça. D’un certain sens je me dis que ça dédouane un peu la chose comme au moins Jude est au courant et qu’elle ne se crée pas forcément de faux espoirs entre nous deux. D’un autre côté, Emily pourrait facilement être très insultée que je ne lui en aille pas parler directement et que je l’ai déjà fait avec sa mère. Bon, en réalité ce n’est pas moi qui ait été vers Jude c’est plutôt elle quand elle s’est imposée dans mon voyage en France. Emily finit par s’excuser et je me dis qu’au final c’est vraiment moi qui aie le pire caractère des deux. Ça me prend vraiment beaucoup d’efforts pour m’excuser à quelqu’un quoi que j’avoue que c’est plus fréquent avec ma famille qu’au travail. Aussitôt mon agacement face à ses précédentes paroles et gestes part en fumée. Je reconnais la panique dans le visage de ma fille et la dernière chose que j’ai envie c’est qu’elle replonge encore une fois comme dans le passé. Le plus dur avec ma fille c’est de savoir quand elle est réellement à bout parce qu’elle fait tellement d’anxiété que tout semble une montagne en permanence quand ses standards de performance ne répondent pas à ces attentes. Je comprends mieux son désarroi quand elle me dit qu’elle s’est endormie.

-On laisse tomber les décorations pour aujourd’hui alors ? Tu auras encore un peu de temps pour étudier avant d’aller au ballet comme ça, non ?

Je regarde l’horloge et je me dis que c’est sans doute la chose la plus raisonnable à faire dans cette situation.

-Il y a quelque chose que je peux faire pour t’aider ? On pourrait toujours se partager tes lectures et je surlignerai les passages qui sont importants pour ton article ?

Je suis loin d’être spécialisé dans le domaine de ma fille, mais j’ai l’habitude de travailler sur des dossiers dont je ne suis pas forcément un expert à la base et surtout à déceler les choses importantes dans un texte.

KoalaVolant

@Emily Jones squeeze

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@Emily Jones

- Quelque part en Octobre -

Je soupire bruyamment quand mon père dit qu’il me faudra un meilleur plaidoyer pour le convaincre par rapport à la Mercedes. Certes, je sais que ce n’est pas le meilleur argument ever que j’ai sorti, mais c’est pas si mal, non? En bon avocat qu’il est, j’ai vite compris, plus jeune, que je me devais de trouver de bons arguments pour avoir ce que je voulais. Même si parfois, je dois admettre que je n’ai qu’à sortir ma voix suppliante, mon sourire et mes beaux yeux… m’enfin.

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C’est chaotique dans ma tête. J’arrive pas à me concentrer sur grand chose d’autre que les études que j’ai à rattraper. Ce n’est pas que j’ai perdu tant de temps que ça avec ma sieste, mais c’est l’accumulation de tout ce que j’ai à faire ces temps-ci. Ça me paraît beaucoup, grand comme une montagne. Et quand je suis dans ce genre d’état d’âme, tout me paraît négatif d’un coup. Tout me paraît lourd, jusqu’aux citrons que mon père a gentiment ramenés pour moi. Au final, c’est en ramenant la conversation sur la brune qui a quitté ~~son lit~~ la maison ce matin que je tente de me changer les idées. Pas certaine que ça soit la meilleure des options, toutefois… Mon corps en entier se tend quand mon père me demande si ça me dérange tant que ça qu’il voit quelqu’un, et encore plus quand j’apprends que ma mère est au courant. Premièrement parce que je réalise que ce n’est donc pas une histoire d’une nuit, mais qu’il a commencé à voir quelqu’un, impliquant que c’est de manière régulière. C’est ta copine? J’ai envie de lui demander, mais je ne sais pas si je veux savoir tout compte fait. Voir mon père avec une autre femme, ça ne me rentre tout simplement pas dans la tête. Ils ont toujours été Jude et Benjamin; même si ça fait un moment qu’ils ne sont officiellement plus ensemble, ils arrivent à se voir sans s’arracher la tête, et puis je trouve qu’il y a toujours une belle complicité entre eux. Parfois, il faut tout simplement un peu d’espace entre deux personnes pour qu’elles se retrouvent mieux. « Et… maman l’aime bien, cette femme? » je demande sur un air de défi, n’osant toutefois pas regarder mon père. (Oui, je fais exprès d’éviter sa première question.) Je doute qu’elle soit ravie, non? Je sais pas, j’ai l’impression qu’elle serait restée avec mon père même si elle sait qu’il l’a trompée. Et pourquoi il l’a dit à elle, et non à moi? Il a fallu que je l’apprenne parce que je n’étais même pas supposée être ici cette nuit. Me reste plus qu’à espérer que c’est passager, tout ça.

Au final, alors que mes nombreuses pensées stressantes s’entremêlent dans ma tête, je finis par m’excuser à mon père d’avoir snappé comme ça. Et c’est peut-être parce que je sais que c’est son genre de vouloir m’aider que je lui partage mon état d’âme. Il est vrai que, d’habitude, j’ai tendance à tout intérioriser, et ce n’est que lorsque je suis en train d’exploser que j’ose enfin en parler à mes proches. Mais ma thérapeute m’a bien dit que c’est okay de partager mes émotions aux autres, de demander de l’aide. Elle m’a mis au défi de le faire à de nombreuses reprises. Ce que j’ai beaucoup de mal à faire. Et oui, bien entendu j’étudie en psychologie, mais c’est toujours plus difficile de s’analyser soi-même et d’appliquer les concepts vus en classe dans sa propre vie. Alors quand il s’agit de moi, je fais un effort pour écouter ma psychologue et (parfois) les gens autour de moi. Un grand soulagement relâche la tension dans mes épaules quand mon père suggère qu’on reporte les décorations. Que ça vienne de lui m’allège un peu, et j’essaie de me convaincre qu’il reste bien assez de temps avant mon anniversaire, même si le temps passe beaucoup trop vite. « On peut faire ça demain matin, avant que je parte à LA? Sinon la semaine prochaine? » Je peux bien libérer quelques heures demain matin, et je me sentirai mieux en sachant que j’ai rattrapé ce que j’ai à faire. Mais aujourd’hui, avec mon cours de ballet ce soir, le temps me pèse. Il regarde l’horloge et me demande s’il peut m’aider avec mes lectures. Ça m’arrache un petit sourire, il n’y a que mon père qui me proposerait de prendre de mes lectures alors que ce n’est pas son domaine du tout. Je commence toutefois par secouer la tête. J’ai beaucoup de misère à déleguer, je le sais. J’ai comme peur de manquer quelque chose si je ne fais pas les lectures moi-même. Même si je sais qu’avec mon père, je n’ai pas à craindre que le travail soit mal fait. Disons que je fais confiance à peu de gens pour ça. « Non merci, ça va », je dis dans un premier temps, avant de froncer les sourcils en réfléchissant. « Enfin, si, y’a peut-être un article en particulier, j’en ai fait la lecture une fois, mais je n’ai pas commencé à prendre notes. Je te l’envoie par email? » J’ai tendance à vouloir lire les textes une première fois pour bien en comprendre le sens, et c’est à ma deuxième lecture que je tente de repérer les portions importantes. Au moins, dans le cas de cet article, je l’ai lu une fois et c’est donc plus facile de déléguer la seconde tâche à quelqu’un. Je range les plats dans le frigo, l’estomac noué pour le moment. « Je mangerai plus tard, promis », je dis avant qu’il ne passe un commentaire sur le fait que je devrais au moins manger quelque chose. Pour être franche, je suis certaine que si ça n’avait pas été de ma mère qui préparait des lunchs avant pour s’assurer qu’il mange dans une journée, il aurait certainement mis ça dans le bas de sa liste de priorités. So no judgement, uh?

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feat. Emily

feat. Ben

J’ai un soupçon de regret dès qu’Emily me demande si sa mère aime la femme que je fréquente. Je sais très bien que c’est inutile de lui mentir. Il y a beaucoup trop de chance qu’Emily apprenne la réelle vérité si elle en discute avec sa mère et je n’ai pas envie de m’enfoncer de façon plus négative avec elle. D’un autre côté, si je lui raconte toute la vérité j’ai l’impression que je vais lui mettre une idée déjà préconçue dans la tête que cette nouvelle n’est peut-être pas si joyeuse. Après tout, si Jude était vraiment contente pour moi, je crois que la pilule serait plus facile à passer pour mes filles, mais la réalité est tout autre. Quelle option me reste-t-il réellement ? Détourner l’attention du jury composé uniquement de ma fille ? Probablement. Après tout, elle a bien détourné ma question alors que je lui ai demandé si ça lui dérangeait vraiment que je commence à voir quelqu’un. La pomme n’est pas tombée bien loin de l’arbre.

-Pour être honnête, je crois que peu importe la femme qui serait à mes côtés en ce moment qu’elle aurait probablement eu la même réaction surtout de la façon qu’elle l’a appris.

J’ai une pointe de regret dans la voix, je me souviens encore de la douleur dans les yeux de Jude alors qu’elle a traversé un océan complet pour me rejoindre en France pour m’appuyer alors que c’était bien la dernière chose que j’avais besoin étant déjà en présence d’Emma. Toutefois, c’est important pour moi qu’Emily sache que je n’en ai pas parler délibérément à sa mère. Dans un monde idéal, je crois que j’aurais attendu de le faire aussi et que mon annonce aurait été à quelques jours d’intervalle uniquement de celle que j’allais faire à ma fille un jour.

-Elle est venue à l’improviste et c’est là qu’elle l’a rencontré pour tout dire. Elle ne l’a que vu brièvement, elle ne la connait pas réellement.

Et c’est quand même vrai, le jugement de Jude sur ma relation est strictement physique. Le seul élément qu’elle a retenu c’est qu’Emma est vraiment plus jeune que moi et que c’était un problème véritable pour la suite des choses. Certes, je sais très bien que ça sera une embûche il n’y a aucun doute, mais en réalité ce n’est pas si dramatique que ça. C’est uniquement parce que nous avons un contexte familial particulier. Heureusement pour moi la discussion finit par prendre un tout nouveau cap où Emily me fait part de son anxiété ce qui me met automatiquement en mode solution. S’il y a bien une chose que je ne veux pas c’est qu’elle replonge encore une fois dans une phase noire. Si bien que je lui propose tout de suite de reporter notre idée de décorations. Sans grande surprise, elle suggère que ça soit reporter au lendemain, mais est-ce vraiment nécessaire ? Elle a tellement toujours envie de performer qu’elle souhaite toujours que cela soit fait le plus vite possible.

-Commençons par voir comment tu avances ce soir avant de mettre la pression de quand on les fera ? Je me dis que je le pire scénario possible c’est qu’on demande à ta sœur et quelques-uns de tes amis proches, le jour de ta fête de venir nous aider avec la fin des décorations quelques heures avant le party autour d’une bonne pizza, non ?

Ce n’est certainement pas la solution la plus optimale parce que je sais que cela stressera Emily, mais c’est quand même le pire scénario et si jamais on va vers cette option il est certain que j’essaierai d’en avancer de mon côté avant le jour J. Je lui propose finalement de l’aider pour ces lectures, je ne suis pas surpris quand elle refuse sur le coup, mais elle mord quelques secondes plus tard à l’hameçon.

-Oui à mon email de job s’il-te-plait.

J’hoche la tête quand elle me dit qu’elle va manger plus tard. Est-ce que je peux vraiment lui reprocher ? Je suis le premier à repousser mon dîner quand j’ai un dossier important sous la main au bureau. Il n’y avait que Lean à l’époque qui arrivait à me forcer à manger dans ces temps-là. Il fallait dire qu’elle pouvait se montrer tellement chiante par moment que ça lui faisait clouer le bec quand je décidais finalement de prendre ce sandwich qu’elle m’avait apporté. Je finis de manger et je prends mon iPad pour m’installer ensuite dans le salon. Je soupire en voyant le nom de l’article que m’a envoyé Emily. Il est loin d’être dans mes champs d’intérêts, j’aurais tant aimé que l’une de mes deux filles se lancent dans le droit comme moi. Toutefois, je dois avouer que le champ d’étude de Millie me passionne beaucoup plus que celui de Crystal ce qui est plutôt ironique comme je fréquente une designer en ce moment.

***

J’ai beau avoir défendu de nombreuses causes dans la vie, même certaine qui ont été sous le radar médiatique. Cependant, je n’ai jamais été aussi nerveux qu’aujourd’hui si bien que je rajoute un soupçon d’Amaretto dans mon café pour essayer de me détendre. Je n’ai aucune idée de comment Emily va réagir à cette nouvelle, mais je sais que ça fait beaucoup trop longtemps que je lui cache la vérité. Ça n’aurait pas été si pire que ça si Emma était une pure inconnue à ses yeux, mais en réalité c’est une styliste que ma fille adore et connait déjà. Pire, c’est la sœur de l’une de ses bonnes amies qui est déjà parfaitement au courant de la situation. Regardant les pâtisseries que j’ai été acheté à l’Apple Pan ce matin, je me demande si je n’aurais peut-être pas dû plutôt proposer à Emily d’aller prendre le petit-déjeuner au restaurant. C’est une stratégie que j’utilise souvent avec d’autres avocats quand nous cherchons à régler une affaire hors-cours. J’imagine qu’elle ne pourrait pas réagir fortement s’il y a d’autres paires de yeux qui nous regarde contrairement à ici. Toutefois, ce n’est pas forcément un élan de colère que je redoute le plus de ma fille, mais bien le traitement de silence complet qui pourrait m’être réservé et je crois que c’est l’une des choses les plus pires sur terre. Et si elle arrêtait totalement de venir me voir ? Je soupire intérieurement alors que je casse des œufs puis j’essaie de reproduire l’omelette que Jude faisait et que j’adorais. Qu’est-ce que ça veut dire exactement une pincée de sel et un soupçon de lait ? Je tente de reproduire du mieux que je peux avant de faire fondre du beurre dans la poêle pour ensuite déposer le mélange que je viens de brasser. Je m’adosse contre le comptoir avec mon café en attendant que le tout soit prêt ce qui me semble une éternité. La patience n’a jamais été l’une de mes vertus surtout pas en cuisine. Quand je relève les yeux et que je vois Emily qui m’observe depuis je ne sais combien de temps, je sursaute tellement que j’échappe une bonne partie de ma tasse sur ma chemise. Fait chier. Je me dépêche à attraper un linge pour essuyer la tâche en me demandant ce que mon ex-femme ferait pour la faire partir au plus vite. C’est une chemise griffée que j’ai achetée il y a à peine un mois et ça serait dommage qu’elle soit déjà bonne à mettre à la poubelle. Puis c’est après avoir tenter d’éponger la tâche que je remarque la fumée en provenance de l’omelette que je tentais de faire. Est-ce que c’est un présage de malheur qui me dit que je devrais plutôt ne rien divulgué à Emily aujourd’hui ? Pendant, un instant j’ai le goût de croire même à toutes ces conneries sur l’astrologie. Apparemment selon mon journal de ce matin, la lune n’est pas placée à un endroit propice aujourd’hui pour une Vierge comme moi et il était même conseiller de rester chez soi.

-Je crois que si tu veux des œufs ce matin, tu auras plus de tentative de succès si tu les fais toi-même, dis-je avec une pointe d’humour pour masquer le grand agacement que je vis en moi.

Il n’y a rien de pire pour moi que des situations où je ne suis pas en contrôle. Je déteste avancer dans un environnement où je ne suis pas le maitre de mon propre destin. Peut-être que j’aurais dû laisser la cuisine de côté aujourd’hui ? C’était peut-être un peu trop ambitieux. Je tasse finalement le poêlon plus loin après avoir éteint le feu. Je cale finalement le peu de ce qui me reste de mon café. Et je remets une capsule dans ma Nespresso pour m’en refaire un autre.

-Je reviens, je vais aller changer de chemise.

J’évite le regard de ma fille en me dirigeant vers l’escalier parce que je n’ai pas envie qu’elle décèle l’anxiété qui m’habite depuis hier si bien que j’en ai des brûlures d’estomac. Après tout, si je veux que notre discussion se passe bien, il faut avant tout que je sois en confiance avec mon choix. Si je lui montre ne serait-ce une seconde qu’elle a ce pouvoir de me faire changer d’idée avec deux battements de cil de son côté, j’ai bien peur qu’elle saute sur l’occasion et je ne suis pas certain que je ne pencherai pas en sa faveur.

KoalaVolant

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- Quelque part en Octobre -

Voilà que mon père m’avoue que maman est au courant qu’il fréquente une femme et de toutes les questions que j’aurais pu poser, c’est celle-ci que je lui demande: est-ce qu’elle l’aime bien? C’est avec un soin appliqué que je choisis chacun des mots qui sortent de ma bouche. Trop poser de questions montrerait sans doute que je suis curieuse d’apprendre à découvrir cette nouvelle relation de mon père, et ce n’est pas le cas. C’est sans doute passager, de toute manière, non? Ce n’est qu’une question de temps avant que mes parents ne reviennent ensemble. Leur relation a commencé en force alors qu’ils étaient d’abord de simples meilleurs amis, et ils s’entendent toujours quand même bien à ce que je sache. Ce n’est pas tout rose, mais quelle relation l’est? Il suffit tout simplement qu’ils se rappellent pourquoi ils étaient amoureux l’un de l’autre et voilà, le tour est joué. Je hausse les sourcils à la réponse de mon père, pour deux raisons: la première est que s’il croit que ma mère aurait la même réaction peu importe la femme à ses côtés, c’est bien qu’elle a encore des sentiments pour lui, non? Et deuxièmement, il mentionne la façon qu’elle l’a appris, et je le regarde d’un air qui veut sans doute dire allez? dis-moi en plus? Il ne peut pas me dire un tel truc et finalement ne pas aller plus loin dans sa réponse, non? Et il semble le comprendre parce qu’il m’explique que maman est venue à l’improviste et c’est là qu’elle a rencontré la brune. « Maman a souvent bonne première impression des gens », je réponds de manière plutôt sèche, avant de pouvoir m’en empêcher. Je me mords la langue, regrettant un tantinet de lui avoir dit ça. En soi, j’ai rien contre l’autre femme, je ne la connais pas, mis à part le fait qu’elle sorte avec mon père.

Au final, je sais bien que c’est tout le stress que je ressens en ce moment qui me met dans une telle humeur et prête à argumenter à n’importe quoi. Je mets un paquet d’efforts à avouer tout haut à mon père ce qui me tracasse, que j’ai dormi plutôt d’étudier. La culpabilité me pèse et le peu de temps qu’il me reste pour atteindre mes objectifs m’étouffe. D’un sens, je sais que mon père est la bonne personne à qui en parler parce que je n’ai pas besoin qu’on ne fasse que m’écouter ou qu’on me console, ou qu’on me serre dans ses bras (vraiment pas), ça ne m’enlèvera pas des tâches à faire; non, j’ai besoin de quelqu’un qui y voit plus clair que moi et qui est en mode trouver des solutions. Et celle qu’il me suggère est parfaite, c’est surtout que j’avais besoin que ça vienne de lui pour me déculpabiliser un peu de vouloir reporter, je pense. Au pire, comme je suggère, on pourra les faire demain matin, mais la réponse de mon père me donne l’impression que ce n’est pas concret si on attend encore et encore pour faire les décos. J’aime quand tout est planifié dans mon agenda, mais malgré tout, je hoche la tête, me disant que je ferai de mon mieux de toute manière pour rattraper toutes mes études ce soir et que sans doute que je pourrai commencer les décos demain matin. « Hum… on en reparlera pour laisser Crystal et mes amis aider », je dis, pensive, plissant les yeux. Ma soeur a vraiment pas la même vision des choses que moi et, de toute manière, j’ai le feeling qu’elle ne fera que texter et regarder des vidéos sur son téléphone plutôt qu’aider, et je serai toujours en train de lui rappeler qu’elle est là pour poser les décos avec nous et ça sera très frustrant et stressant. Et mes amis, autant je suis sûre qu’ils feront de leur mieux pour aider, ne connaissent pas vraiment la maison de mon père comme ça ne fait pas longtemps qu’il l’a achetée, et ils seront toujours en train de venir nous voir pour demander où va tel ou tel truc et ça nous fera perdre du temps au final.

« Right away, Maître Jones! Merci » je réponds, reconnaissante, quand mon père me répond de lui envoyer mon article à annoter à son email de job. Il est bien une des seules personnes à qui je ferais confiance pour ce genre de tâche, c’est bien parce que je sais qu’il est tout aussi minutieux que moi et qu’il est habitué de parcourir des documents à la recherche des informations essentielles. Après avoir rangé mes plats dans le frigo, je monte à ma chambre tenter de terminer cette liste de choses à faire qui me semble interminable.

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- Janvier -

Tout est tellement smooth ces temps-ci. Je suis sur le point de publier un autre article, de recevoir potentiellement une autre bourse, mes recherches avancent comme je le souhaite. Je sors même un peu plus souvent le soir et les weekends et ça fait tellement de bien. C’est pas obligé d’être la grosse soirée, parce que bon, les hangovers c’est bien une fois de temps en temps, mais pas chaque semaine. N’empêche, juste sortir le nez de mes bouquins me fait du bien. Je me sens plus légère, je souris plus facilement. Peter vient me voir plus régulièrement et j’arrive un peu plus à décrocher, et suis moins encline à le mettre en dehors de mon appart rapidement. Bref, tout va bien. Je suis arrivée chez mon père hier juste avant mon cours de ballet et il n’était pas là, je l’ai brièvement croisé avant d’aller au lit et il était déjà parti se coucher quand je suis redescendue faire entrer Peter, en lui rappelant de ne pas oublier de ramasser ses chaussures et de les ramener dans ma chambre cette fois-ci. C’est tout aussi discrètement qu’il est reparti chez lui avant que le soleil ne se lève, et c’est calme et reposée que je descends un peu plus tard à la cuisine pour me préparer mon smoothie habituel. Mais je fige en sentant d’abord l’odeur de la nourriture, puis m’avance un peu plus pour apercevoir mon père qui semble dans la lune, et il… cuisine? Du moins, quelque chose est en train de cuire sur le poêle, des oeufs peut-être. Ça commence à faire drôlement de la fumée, mais mon attention est accaparée par mon père qui remarque ma présence et qui s’échappe du café sur sa chemise. « Bon matin… » je dis, suspicieuse, en m’avançant un peu plus alors qu’il tente de s’occuper de la tache et du poêlon peu après. Je me contente de hausser les sourcils quand il me dit que si je veux des oeufs ce matin, que j’aurais probablement plus de tentative en les faisant moi-même. Depuis quand il cuisine? Okay, c’est pas la première fois que je le vois cuisiner, mais ce n’est pas tous les jours non plus. Il cale son café avant de s’en faire un autre. C’est moi ou il semble un peu… sur les nerfs? C’est peut-être cuisiner qui le stresse comme ça, ahah. « Rince ta chemise à l’eau froide, et ensuite tu peux frotter avec du détergent à lessive et la laisser tremper si c’est pas parti », je dis juste avant qu’il ne quitte la pièce pour aller changer de chemise. Il est tellement préoccupé par changer sa chemise on dirait qu’il ne me regarde même pas. L’ambiance est tout simplement bizarre. En tout cas, c’est bien parce que j’ai déjà renversé du café sur une robe juste avant un gala que je sais comment faire partir la tache. Heureusement, ma mère était avec moi à ce moment.

Pendant qu’il est parti, je me tourne vers les omelettes. Les soulevant avec une spatule, je peux constater que le dessous est noirci, mais rien de si grave. D’habitude, je ne cuisine que lorsque je suis avec mon parrain et parfois des petits trucs chez moi rapides, mais comme j’ai des horaires chargés, je ne prends pas trop le temps de le faire. De toute manière, maman se fait encore un plaisir de me préparer des petits plats que je peux congeler et… qui serais-je pour lui enlever ce plaisir? Mais bon, ce matin, rien ne presse, tout va bien. Ma liste de choses à faire pour aujourd’hui est loin d’être énorme pour une fois et je dois juste m’assurer que je sois à temps à LA pour passer chercher Gabriela à l’aéroport, qui va revenir du Canada voir son beau Roméo. Je m’attèle donc à la tâche de faire une omelette pas brûlée en suivant bien la recette et je suis en train de la mettre dans une assiette quand mon père revient à la cuisine. « C’est bon, la tache est partie? » Et c’est alors que je me dis que… peut-être qu’il a l’air autant sur les nerfs parce qu’il s’est rendu compte que Peter — pas son associé, un peu trop vieux pour moi — a passé la nuit avec moi? Ça n’avait pas l’air de le déranger plus que ça quand il m’a dit qu’il avait remarqué ses chaussures dans l’entrée il y a quelques semaines, mais qui sait, il a peut-être changé d’avis. Ou… il est upset que je lui ai demandé, cette semaine par texto, d’élaborer sur pourquoi sa soirée de gala avec maman s’est mal terminé l’autre jour? Le même soir que Chris l’a aperçu. Tout ça est juste tellement bizarre… une coïncidence, sans doute. Mais il me manque définitivement des morceaux. M’enfin, qu’il soit sur les nerfs aujourd’hui n’a sans doute aucun lien avec les textos, mais… on dirait que je vois de moins en moins la possibilité que mes parents reviennent ensemble. Ça semble un peu plus tendu entre eux ces temps-ci. « Est-ce que tout va bien? » je lui demande finalement, directement, en posant une assiette devant lui.

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feat. Emily

feat. Ben

Simplement au ton qu’emploie Emily en me saluant, je sais très bien qu’elle se demande ce qui est en train de se passer. Peut-être qu’elle est même en train de se pincer pour se demander si elle est en train de rêver ? Normalement, mon seul apport dans une cuisine est celui de sortir les plats au sommet des armoires. Je n’ai jamais eu d’intérêt réellement face à la cuisine et surtout je n’ai jamais eu besoin d’apprendre. En me mariant à seize ans, Jude a pris rapidement ce rôle alors que le mien était plutôt celui de performer à l’école pour offrir le confort de vie qu’on voulait pour Emily sans dépendre à vie de son père. Je n’ai même pas le temps de la saluer à mon tour que j’échappe mon café sur ma chemise ce qui me met en colère instantanément après moi. Je suis normalement ce genre de personne plutôt bien ordonné et prévoyant qui voit arrivé ce genre de situations à des milliers de kilomètres. Je suis loin d’être réellement maladroit et quand ça m’arrive ça m’énerve au plus haut point. Perfectionniste ? Absolument. Emily l’a aussi bien appris de moi que de sa mère. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle me dit comment nettoyer la tâche et j’essaie d’enregistrer toutes les informations qu’elle vient de me dire. Eau froide. Détergent. Tremper. Parfait. Ça ne devrait pas être trop difficile. Je la remercie rapidement avant de monter à l’étage pour m’en occuper. Toutefois dès que j’ouvre l’armoire avec les produits ménagés dans la salle de lavage. Je me rends compte que ce n’est peut-être pas si simple que ça. Qu’est-ce qu’Emily m’avait dit donc pour ma chemise ? Du détergent c’est bien ça ? Je lis chaque étiquette en me demandant si tous ces produits servent réellement à Juanita ma femme de ménage. Je décide finalement de prendre la bouteille blanche qui dit qu’elle tue environ 99,9% des bactéries. J’imagine que c’est assez fort pour faire partir une simple tâche de café ? En mettant sur ma chemise, mon cœur fait un bond alors que je vois mon tissu devenir blanc. Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi ça vient littéralement de décolorer ma chemise ? Une tonne de jurons se bousculent dans ma tête et j’ai beau mettre la chemise sous l’eau froide pour rincer le produit, le constat est le même. Ma chemise est totalement gâchée et je suis encore plus en colère contre moi. Je lance finalement la chemise contre le plancher et je me dirige vers ma chambre pour en prendre une autre. Quand je descends, Emily semble avoir rattraper la situation catastrophique de mon déjeuner. Elle me demande alors si la tache est partie.

-Non, j’ai empiré la chose, c’est devenu tout blanc, dis-je en haussant les épaules.

Décidemment, je n’ai pas encore compris la chimie derrière l’eau de javel parce que je n’ai jamais fait de lessive de toute ma vie pour être honnête. C’est tellement une perte de temps et ça ajoute des heures de travail à Juanita. Tout le monde est gagnant, gagnant, non ? Le regard analytique d’Emily se pose sur moi. Je vois bien qu’elle se pose des questions et elle a tout fait raison de le faire parce que je suis loin d’être dans mon état « normal » en ce moment tant je suis stressé d’annoncer que je suis officiellement en couple avec Emma. Évitant toujours son regard, je vais chercher ma tasse de café qui a finit de couler. J’hésite à mettre de nouveau de l’amaretto dans ma tasse, mais le jugement possible d’Emily me fait décider de ne mettre qu’un peu de soupçon de lait juste pour dire que je le colore un peu. Je suis d’avis que si tu as besoin de mettre une tonne de sucre et de lait dans un café c’est que tu n’aimes pas réellement le café dans la vie. En plus, il y a tellement de sortes et de variété différente qu’il est facile d’y trouver son compte. La seule raison pour laquelle je mets du lait c’est pour le refroidir légèrement parce que je déteste la sensation d’avoir la langue brûlée. Au bureau, il m’arrive souvent de devoir le prendre rapidement quand j’ai une urgence avec un client. Alors que je m’installe finalement à la table, Emily vient déposer une assiette devant moi et c’est là qu’elle me demande directement si tout va bien. Je lâche un petit soupir avant de poser mon regard sur son visage. Je déteste mentir à Emily et je déteste encore plus quand elle me ment, je sais qu’il est temps que je sois franc avec elle. Quel pion de mon échiquier dois-je déplacé ce matin ? Est-ce que lui dire que je crains sa réaction est une bonne chose ou bien c’est lui ouvrir la porte à ce qu’elle puisse se laisser aller sur ses états d’âmes ? Je n’en sais rien et d’être aussi peu en contrôle sur la situation m’énerve au plus haut point.

-Oui tout va bien, dis-je pour commencer. Mais disons que je sais très bien que tu n’aimeras pas le sujet que je vais aborder ce matin et la dernière chose que je voudrais c’est que ça finisse en conflit entre nous.

Je me surprends moi-même d’exposer directement ma plus grande peur, mais je pense que c’est la meilleure stratégie pour cette discussion. Honnêtement ça me ferait vraiment de la peine qu’elle décide de ne plus venir les samedis parce qu’elle n’aime pas mon choix de petite amie, mais je n’ai pas envie de finir mes jours seuls non plus. Je décide de continuer en me disant qu’elle a sans doute bien compris ce que j’allais aborder de toute façon et qu’il est grand temps que je sois franc avec elle.

-Tu sais déjà que je vois quelqu’un depuis quelques temps… Je ne t’en ai jamais parlé plus en détails parce que je voulais être certain qu’il y ait un réel potentiel avec elle. Surtout que tu la connais déjà indirectement... Mais disons que ça devient de plus en plus sérieux entre nous et je me sens prêt de t’en parler aujourd’hui.

Suis-je réellement confiant dans mes paroles ? Pas du tout. Toutefois, si je n’ai pas l’air en contrôle de la situation je sais très bien qu’Emily pourra plus facilement essayer de me manipuler par les sentiments et c’est bien la dernière chose dont j’ai envie en ce moment.

KoalaVolant

@Emily Jones squeeze

@Benjamin Jones

@Emily Jones

- Janvier 2024 -

Quand j’arrive à la cuisine ce matin, c’est en mode observation que je mets d’abord, le comportement un peu tendu et… étrange pour lui, on va se le dire, de mon père m’arrêtant dans ma lancée. Non, mais il cuisine. Peut-être que ça lui a pris comme ça, qu’il avait simplement envie de me faire plaisir ce matin, mais d’habitude il nous prend des plats de resto et ça me convient. Je suis pas contre qu’il nous fasse à manger, je trouve ça vraiment attentionné, mais c’est le pourquoi qui m’intrigue. Et non seulement il cuisine, mais il fait plusieurs gaffes en même temps. Et qu’on se le dise, ça, ce n’est pas son genre. Parce que mon père est quelqu’un de minutieux, de perfectionniste, et j’aime bien penser que je retiens de lui et que c’est ce qui m’a permis de me rendre là où je suis. Il monte à l’étage après que je lui aie dit comment enlever une tâche de café — c’est bien de la chance que ce soit du café et non du vin, je n’aurais pas su sinon —, et j’entreprends de tenter de sauver le petit-déjeuner. Quand il revient quelques minutes plus tard, je lui demande si c’est parti et mes yeux s’agrandissent quand il m’indique que c’est devenu tout blanc. « T’as mis de l’eau de javel ou quoi? » J’hésite à rire, il a l’air tellement pris au dépourvu et ce serait un peu dommage de ne pas m’en amuser. J’ai hâte de raconter ça à maman, je sais déjà que ça va la faire éclater de rire. Et peut-être que ça lui montrera à quel point il a besoin d’elle pour ce genre de trucs et qu’elle trouvera ça mignon en fait… « Papa! Je t’avais dit de l’eau froide et du détergent à lessive… Ta chemise est bonne pour la poubelle… À moins que tu veuilles porter un look tie-dye, mais please don’t. » Je ponctue mes mots en roulant des yeux, un sourire amusé aux lèvres néanmoins. Quel gâchis quand même. Au moins je me disque même si c’est chiant, ce n’est pas comme s’il n’avait pas les moyens de s’en racheter une.

Il semble toujours aussi stressé et je ne peux que me demander pourquoi. Mon père n’est pas quelqu’un qui montre son stress facilement (ça irait un peu en sa défaveur en cour), alors ça m’intrigue encore plus. Mais qu’est-ce qui se passe? Va-t-il m’en parler ou va-t-il me dire qu’il ne préfère pas, comme quand je lui ai demandé ce qui s’était passé entre maman et lui? Mais il voulait faire le déjeuner, quoi, ce matin… Parlant de déjeuner, je dépose une assiette devant lui en m’enquérant sur son état. Il soupire, mais son regard se lève sur moi et je ne sais que trop penser de la suite. Il soupire parce qu’il en a marre de mes questions ou bien parce qu’il redoute de me parler d’un truc? Tout va bien, qu’il dit… okay. Pourquoi être stressé alors? Oh. Je n’aimerai apparemment pas ce qu’il veut me dire. Je serais presque tentée de dire qu’il n’y a aucune chance que ça termine en conflit, mais je ne sais pas encore de quel sujet il veut me parler et on sait très bien tous les deux qu’avec nos caractères, ce ne serait pas inhabituel que ça termine en chicane. Rien de majeur, évidemment, mais certains diraient qu’on sait très bien tenir notre bout chacun. Il est quand même très transparent et honnête avec moi en m’exposant qu’il craint la suite, et d’un sens, ça m’adoucit. Parce qu’évidemment, je ne ferai pas exprès pour qu’on se fâche. Mais de quel sujet il parle, bon sang… ?

Mon expression se renferme dès qu’il me dit que je sais qu’il voit quelqu’un. Ah, il la voit encore, celle-là… Je croise les bras contre ma poitrine pour l’écouter parler, oubliant tout de suite l’omelette posée devant moi. Mon sourcil se lève quand il ajoute que je la connais déjà indirectement. « C’est la même brune que j’ai vu sortir de la maison, donc? » je demande, tendue. Fuck… c’est du sérieux. Moi qui pensais que c’était passager… une histoire d’un soir, peut-être. Une femme qui n’en voulait qu’à son argent et qu’il laisserait en s’en rendant compte. « Attend, là, de quoi, je la connais indirectement? Parce que si c’est la brune que j’ai vue, je ne dirais pas que c’est la connaître que de l’avoir vu sortir comme une voleuse de la maison. » Alors je me doute bien que je la connais indirectement d’ailleurs, mais je n’arrive pas à voir dans ma tête qui aurait une longue chevelure brune-presque-noire épaisse comme celle de cette femme. En même temps… si c’est indirectement que je m’en souviens, je doute que je m’en rappelle aussi facilement. « Et tu te vois avoir un futur avec elle? » je demande finalement, levant le nez, une expression presque de défi dans le regard.

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feat. Emily

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Mes sourcils se froncent légèrement quand Emily me demande si j’ai mis de l’eau de javel. Ce n’est pas ce truc que les meurtriers utilisent pour cacher les traces de sang sur la céramique de leur cuisine ? Pourquoi j’aurais ça dans ma salle de lavage ? Toutefois, Millie semble tellement amusée même si elle tente de le cacher j’imagine pour ne pas me brusquer que je n’ose pas lui poser la question directement. J’aurai sans doute une bonne discussion à ce sujet en revanche avec Juanita cette semaine. Ma fille me confirme que ma chemise est bonne pour la poubelle et sérieusement ça me fait chier royalement comme je viens de l’acheter. Est-ce que c’est un signe que je dois simplement prendre mes chemises d’Emma et d’arrêter d’encourager la compétition ? Sans doute. Mon incompréhension franchit une tout autre étape alors qu’elle me parle d’un look tie-dye. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que c’est cette mode où les plus jeunes aiment porter des vêtements pleins de trous et que je pourrais découper simplement ma chemise ? Si c’est le cas, elle n’a pas besoin de s’inquiété que je veuille suivre cette tendance.

-Il y a simplement beaucoup trop de bouteilles en haut, elles ont toute l’air d’être du détergent à lessive, dis-je pour justifier ma gaffe.

Parler de lessive est presque plus plaisant malgré mon agacement pour la pauvre chemise que je viens de perdre que la conversation que je m’apprête à avoir avec ma fille. Trouver les mots parfaits pour cette situation me semble plus compliqué que n’importe quel des cas que j’ai débattu devant un jury. Il faut dire que les répercussions ne sont pas du tout les mêmes aussi. M’éloigner de l’une de mes filles est l’une de mes plus grandes craintes pour être parfaitement honnête même si je ne suis même pas certain que je le démontre toujours assez et qu’elles soient au courant que ça m’affecterait à ce point. Je prends finalement mon courage à deux mains, il n’y a pas d’autres options possibles. Je n’ai pas envie que la situation se complique avec Emma et que je la perde parce que j’ai peur d’en parler avec mes filles. Dès qu’elle comprend que je lui parle de la femme que je vois actuellement, je vois son visage changer du tout au tout ce qui me fait soupirer intérieurement. Je n’ai même pas encore expliqué une partie de l’histoire que je sais déjà qu’elle n’est pas ouverte à m’écouter réellement. Mais est-ce qu’elle le sera réellement un jour ? J’en doute. Sa première question est heureusement très simple à répondre. Est-ce que finalement ça va être plus simple que je le pensais ? Je l’espère sincèrement.

-Oui c’est bien elle.

Je ne sais pas encore si c’est une bonne chose, mais au moins ça lui prouve que ce n’est pas une décision qui a été prise à la légère dernièrement. Bien entendu, je lui ai mis la puce à l’oreille en lui disant qu’elle la connait indirectement. Il était évident qu’elle reviendrait directement dessus. Je me retiens pour ne pas rouler des yeux quand elle dit qu’elle est sortie comme une voleuse de la maison et je dois contrôler même mon caractère pour ne pas m’enflammer avec cette simple parole. C’est là que je réalise vraiment que j’aime Emma parce que j’ai ce sentiment urgent de la défendre à l’instant. Elle me demande finalement si je me vois avoir un futur avec elle ce qui m’agace légèrement comme question. Ne me connait-elle pas assez pour savoir que si je lui en parle c’est que c’est déjà du sérieux et que je bien penser à toutes ces étapes ? Toutefois, il est vrai que c’est la première fréquentation que j’ai après sa mère et qu’elle ne sait pas comment je réagis dans ces situations.

-Je sais que tu la connais parce que tu as déjà porté une robe de chez Alvarez Creations. C’est Emma, la styliste de ces robes que je fréquente actuellement.

Je sais que ça aura l’effet d’une bombe actuellement parce que ma fille est amie en plus avec la sœur d’Emma, mais ça ne me sert rien de lui cacher son identité plus longtemps. Parfois, il vaut mieux arracher le pansement d’un coup que de tenter de le décoller sans trop de douleurs.

-Et oui, je me vois avoir un futur avec elle sinon je ne prendrais pas la peine de t’en parler aujourd’hui crois-moi. J’ai repensé à toutes ces questions des maintes fois et c’est pour ça que j’ai attendu aussi longtemps pour te donner plus de détails.

KoalaVolant

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- Janvier 2024 -

Même si mon père semble un peu perdu quand je lui demande s’il a mis de l’eau de javel sur sa chemise, pour moi il n’y a aucun doute que c’est ça. J’aime bien nettoyer les comptoirs de ma cuisine avec des produits qui en contiennent, et c’est déjà arrivé une fois que j’en ai eu sur un haut que j’aimais. Ça m’a brisé le coeur, mais ce n’est plus jamais arrivé. En tout cas, je me doutais qu’il ne saurait pas ce qu’est un look tie-dye et c’est peut-être mieux comme ça ahah. « Mouais… je te le concède, quand même. Même maman n’a pas autant de bouteilles que toi dans ta salle de lavage. » Je sais pas, sa femme de ménage doit avoir des manières particulières de nettoyer les vêtements peut-être.

Puis, on s’installe pour commencer à manger et je lui demande si ça va, parce que clairement, il y a quelque chose qui ne va pas. Il n’est pas dans son… état naturel. C’est alors que j’apprends qu’il voit une femme et, il me le confirme, c’est la même que j’ai vue de dos. Brune, s’enfuyant de chez nous à toute allure (~~zéro exagération~~, avant même que je n’aie pu la rencontrer. *tousse* Pas que j’y tiens particulièrement, si je suis franche. Je me contente de soupirer en déposant ma fourchette. Okay, il voit une femme. Je suppose que je ne devrais pas être si surprise que ça… après tout, sa séparation de ma mère ne date pas d’hier. Mais la surprise est bel et bien ancrée en moi parce que je pensais vraiment qu’ils avaient juste besoin d’une pause, mes parents. D’une très longue pause, n’empêche, mais qui suis-je pour juger? Ils se voient encore une fois de temps à autre, s’entendent toujours bien. N’étaient-ils pas meilleurs amis avant de se mettre ensemble et de m’avoir, disons, plus tôt que prévu? Ils ont encore beaucoup d’affection l’un pour l’autre, je le sais. Okay, ça ne semble pas s’être si bien passé l’autre jour à leur gala, même si monsieur (ni madame, en fait), ne veut m’en parler. (Parce que, bien entendu que j’ai essayé d’en glisser un mot à ma mère.) Mais tout… couple a ses passes difficiles, non? Ça ne veut pas dire que c’est fini pour autant.

Mon père m’apprend que je la connais indirectement, sa “copine”, ce qui me laisse avec tout plein de questions. Mais… la plus importante, je trouve, et pourtant celle à laquelle j’ai le moins envie de connaître la réponse bien que je la pose, c’est: est-ce qu’il se voit avoir un futur avec elle? Genre… est-ce que c’est du sérieux? Je me doute de la réponse, mais j’ai envie de l’entendre de sa propre bouche. Mes yeux s’agrandissent quand il m’avoue qu’il sort avec Emma Alvarez. As in, Emma Alvarez de chez Alvarez Creations, oui, la designer de vêtements dont je raffole. Merde, est-ce que c’est moi qui les ai matchés sans m’en rendre compte quand j’ai envoyé mon père chercher ma robe? Mais elle est surtout la soeur d’une de mes bonnes amies. Et à ce que je sache, Emma n’est pas près de la quarantaine. Elle a à peine quelques années de plus que moi… « Pardon? » est tout ce que j’arrive à répéter pour l’instant, fronçant les sourcils. Il ajoute que oui, il voit un futur avec elle et ça semble être une décision réfléchie, mais je l’entends à peine. Lentement, je me lève, fixant mon assiette alors que je l’amène de l’autre côté de l’ilôt où on mange et ouvre la poubelle pour y jeter férocement les restes. Je n’ai plus faim. « Attends, t’es en train de me dire que tu sors avec la soeur d’une de mes amies? Elle a quoi, genre, trente ans? » Plus j’y pense et plus ça me rend énervée. Elle a pratiquement mon âge, quoi. Elle pourrait être mon amie. Sa petite soeur est mon amie. Je suis en train de rincer mon assiette quand je m’arrête brusquement, prise d’une soudaine réalisation. « C’est pour ça que ça ne s’est pas bien passé au gala avec maman, c’est ça? » Il me l’a dit l’autre jour, qu’elle l’avait déjà rencontrée et qu’elle ne l’avait pas aimée. Et anticipant la réaction de mon père et ne voulant pas qu’il soit fâché contre ma mère, j’ajoute: « T’inquiète pas, là, elle m’a rien dit du tout sur votre soirée. Juste que… tu semblais prêt à refaire ta vie. » Ça a juste vraiment l’air de l’avoir affectée, c’est tout. Et au fond, je sais bien que mon père a tout à fait le droit d’aller voir ailleurs, mais je lui en veux de faire sentir ma mère comme ça. C’est lui qui l’a trompée et, ça se sent, elle serait prête à le reprendre — simple guess intuitif —, mais c’est lui qui veut refaire sa vie? « Crystal est au courant? » Puis, je secoue la tête, comme si je lui disais tu sais quoi? peu importe. « Je vais chez Peter », j’annonce en levant la tête pour jauger la réaction de mon père. Surtout parce que je ne lui ai jamais dit le nom de mon fuckfriend, ni même officiellement que j’ai un fuckfriend même s’il l’a pas mal deviné en fait, et okay… je veux un peu le provoquer. « Fais pas ces yeux-là, pas Peter ton collègue », j’ajoute en roulant des yeux, même si c’était exactement la deuxième raison pourquoi j’ai choisi ce moment-là pour lui révéler le nom de mon ami. « Quoi que, je devrais peut-être l’inviter à sortir, si vraiment, l’âge n’a pas d’importance comme ça? Je l’ai toujours trouvé de mon goût. En plus, je pense qu’il est célibataire, non? » Okay, ça, c’est définitivement pour le provoquer. Ce Peter est plutôt bel homme, je dois l’avouer, mais personnellement, je n’ai jamais été attirée par des hommes qui ont dépassé le 35… 32, même. Peut-être est-ce parce que mon père est encore au début quarantaine lui-même et que ça me ferait bizarre. Je tourne finalement les talons et monte à ma chambre pour me préparer, textant au passage Peter — le plus jeune — pour voir s’il est dispo, parce que, vraiment, j’ai besoin de me changer des idées.

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