Mia ☼ this is just a chapter, not your whole story

"Mia, il faut qu'on te parle" annonce mon oncle d'un ton grave et sérieux que je ne lui connais pas. Les yeux ronds comme des billes, choquée par la révélation, j'en laisse tomber ma poupée et m'effondre dans ses bras du haut des mes cinq ans. C'est beaucoup trop jeune pour perdre ses parents, mais c'est pourtant bien ce qui est arrivé. Un voyage d'affaire qui ne s'est pas passé comme prévu, un problème technique avait dit la tour de contrôle... mais rien qui ne pourrait ramener mes parents. Ni mes larmes, ni ma tristesse.

Ma mère a laissé derrière elle une famille extraordinaire. Un frère, en particulier. Mon tonton préféré qui devient bien vite mon père de substitution. Il n’a pas hésité une seule seconde à signer les papiers d’adoption et c’est quelques mois après la mort des mes parents que je fais officiellement partie de la famille Scott. Une famille unique et soudée plus que jamais. Dans mon malheur, je trouve du réconfort ; dans les yeux de mon oncle, dans les bras aimants de ma tante, dans la complicité de Siomara et dans le sourire de Tyler. Des cousins et des cousines qui deviendront très rapidement mes propres frères et sœurs, bien trop petits pour faire la différence. Si bien, que "papa" et "maman" me sont venus naturellement et avec une facilité déconcertante. J’ai grandi dans un foyer rempli d’amour, avec une famille bien particulière mais qui a façonné mon ouverture d’esprit et m’a appris ce qu’est l’amour inconditionnel. Le truc cool ? Tyler et moi partageons un anniversaire. On a beau avoir cinq ans de différence, il ne s’écoule pas une année où nous ne passons pas cette journée spéciale ensemble. C’est un peu comme avoir un jumeau, mais que je peux embêter encore plus en étant l’aînée.

Quand la vie nous confronte à la mort aussi tôt, ce sentiment que tout peut nous échapper à n’importe quel moment ne nous quitte jamais. J’ai toujours eu cette angoisse de profiter des bons moments à fond, par peur que tout s’arrête du jour au lendemain. J’ai envie de croquer la vie à pleine dents et personne ne saura m’arrêter. Une vraie petite fusée.

"Mia, tu piques toujours tout le popcorn" boude Owen à mes côtés, les bras croisés. Je lui lance un maïs soufflé au visage, avant de lui tirer la langue. Owen ? C’est mon meilleur ami de toujours. Je n’étais pas plus haute que trois pomme quand je l’ai rencontré et on ne s’est plus jamais quitté depuis. C’est celui qui écoute mes aventures, mes mésaventures. Celui qui me conseille. Celui qui est franc avec moi. Celui à qui je peux tout dire sans filtre. Celui avec qui je passe les meilleurs moments et une des personnes que j’aime le plus au monde. Là où il y a Mia, il y a Owen et inversement, nous sommes inséparables et toujours là l’un pour l’autre.

Malgré une enfance tourmentée, je grandis comme n’importe quelle autre petite fille. Entourée de merveilleuses personnes et de milliers de possibilités qui s’ouvraient à moi. J’aurais pu devenir astronaute si je le voulais. Qu’est-ce qui m’en empêche ? La vie, qui avait d’autres plans pour moi. J’ai toujours aimé faire la fête, bouger de partout, me faire des nouveaux amis et explorer de nouvelles possibilités, c’est donc naturellement que j’ai fait partie de la clique des "populaires" au lycée. Non je n’étais pas la cheerleader fêtarde qui sort avec le capitaine de l’équipe de football américain, mais c’est tout comme. J’étais plutôt l’acolyte sarcastique qui tombe facilement amoureuse et c’est ce qu’il s’est passé avec James. Ce beau brun ténébreux qui a fait craquer l’adolescente que j’étais. Mon amitié avec Owen a toujours été un frein dans notre relation. "Il prend trop de place" selon James. Il faut dire que nous étions de ces amis à qui ça ne dérangeait pas de dormir dans le même lit après une soirée trop arrosée. Et c’est ce qu’il s’est passé le soir du bal de promo, où ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour James. Je vous voir venir, il ne s’est jamais rien passé — ou du moins que l'alcool n'ait pas effacé... —  mais certains comportements pouvaient susciter la jalousie de mes partenaires. C’est que personne ne comprend notre lien si fort.

J’étais destinée à étudier dans l’université la plus prestigieuse des États-Unis pour marcher dans les traces de mes parents, mais tous mes rêves partent en fumée alors que je contemple les deux barres qui viennent d’apparaître sur ce petit bâton. Je regarde Owen, incrédule. "Non, non, non, non c’est pas possible !" je me réfugie dans le déni, puis dans les bras de mon meilleur ami. Qu’est-ce que je vais faire du haut de mes dix-sept ans ? Même si nous ne sommes plus ensemble, je décide de partager la nouvelle avec le futur papa. Ce dernier n’en a que faire, James quitte la ville pour se lancer dans de longues études et ne se retournera pas. Démunie, je me tourne vers ma famille qui sera d’un soutien inconditionnel. J’en ai longuement voulu à James et ma fille ne connaîtra jamais son père, mais — un peu comme moi à son âge — elle peut compter sur une super famille avec beaucoup de tontons et de taties. Un en particulier qui a été là du début à la fin et qui est presque comme un père ; Owen, son parrain. James est peut-être un lâche, mais je ne pourrais jamais le remercier assez de m’avoir offert le beau plus des cadeaux. Mon trésor, Alba. J’ai finalement grandi avec elle, puisque du haut de mes dix-huit ans j’avais encore beaucoup à apprendre. Et même si ce n’était pas facile tous les jours et que j’ai fait beaucoup d’erreur avec elle, je n’échangerai pour rien au monde notre lien, notre vie.

Le jour de mes dix-huit ans, je découvre le cadeau — peut-être légèrement empoisonné — que mes parents m’ont laissé.

"Chère Mia,

Si cette lettre te parvient à tes dix-huit ans, c’est qu’un malheur nous est arrivé. Cela ne devait pas se passer de la sorte, mais nous te faisons confiance pour la suite. Sois la petite fille que nous t’avons appris à être : belle, intelligente, aimante, responsable et qui écoute son intuition.  
Un grand avenir t’attend, nous t’aimons très fort.

Maman et papa."

Les larmes coulent sur mes joues lorsque j’ouvre la seule chose qui me reste de mes parents. Ils m’ont légué leur empire et je suis maintenant à la tête d’une société que je me sens incapable de gérer avec un nourrisson dans les bras. Mais je ne baisse pas les bras, loin de là, j’en fais même ma mission de réussir. Pour moi, pour ma fille, mais aussi et surtout pour honorer la mémoire de mes parents. Je mets donc toutes les chances de mon côté et apprends sur le tas comment gérer un des plus gros magazine de mode et de bien-être. Basés à Los Angeles, je me déplace tous les jours aux locaux avec Alba. Ma plus grande inspiration et force pour affronter tout ça. 
Des regards curieux, presque dédaigneux. Peut-être parce que je suis trop jeune pour être à la tête d’un aussi gros business, peut-être parce que j’emmène mon bébé au bureau… ou peut-être un peu des deux, je ne saurais dire ! Durant ce challenge, je peux bien évidemment compter sur l’aide précieuse de ma famille et de Owen. Que ce soit pour garder Alba, ou pour me redonner confiance, m’épauler, me donner des conseils ou tout simplement prendre soin de moi.

Petit à petit, ça devient plus facile. À la fois mon rôle de maman ou pour me trouver une place dans cette entreprise familiale. C’est quand Alba rentre à l’école que je décide de m’envoler à mon tour du foyer Scott. C’est une toute nouvelle organisation à avoir, mais je parviens à trouver un petit équilibre. Plus le temps passe, plus la routine s’installe et Alba grandit à une allure affolante. Bien qu’il lui est déjà arrivé d’appeler Owen "papa", elle arrive à un âge où elle comprend qu’il n’est pas son père et la curiosité prend le dessus, ainsi que les questions sur l’identité de celui qui a pris la fuite. Alba et Owen sont si fusionnels, qu’il n’est pas rare qu’on entende des "Oh, elle a les yeux de son père" quand on se promène ensemble. Nous échangeons toujours un petit rire moqueur en corrigeant les commentaires, riant après coup tous les trois. Je suspecte tout de même ma fille d’élaborer des plans  diaboliques pour que nous tombions dans les bras l’un de l’autre. Sauf que ça n’est jamais arrivé, peut-être qu’on se rate ? Quand il semble avoir quelqu’un dans sa vie, notre amitié semble saboter ce qu’ils construisent et vice-versa, comme un cercle infini. Privée d’une vie de jeune adulte, je n’accepte qu’aucun homme ne rentre dans la vie de ma fille si ce n’est pas sérieux. Plus Alba grandit, plus je m’autorise le bonheur sans toutefois que ça ne dure très longtemps…

Malgré les hauts et les bas, j’ai pu offrir une enfance heureuse à ma fille, qui grandit épanouie et comme la plus merveilleuse des petites filles. La crise de l’adolescence ne l’a pas épargnée, mais même dans les moments difficiles c’est un bonheur d’être sa maman. Aujourd’hui, Alba est une jeune femme. Même si elle restera mon bébé à tout jamais, force est de constater qu’elle a maintenant sa propre histoire à écrire. Alors qu’elle s’apprête à prendre son envol, je m’autorise pour la première fois depuis vingt ans à réapprendre à vivre et ouvrir mon cœur.