With a little help from Chinese chance | Clara & Aidan

With a little help from Chinese chance

Au cabinet, il nous arrivait de temps en temps de commander à manger tous ensemble. Aujourd'hui, nous avions décidé de prendre un repas chinois. J'avais opté pour des nouilles sautées au bœuf et, bien entendu, nous avions commandé un assortiments de biscuits chinois en guise de dessert.
C'était toujours étrange de croiser Clara au bureau depuis ce fameux jour où elle m'avait mené jusqu'à une réunion des alcooliques anonymes... et où je l'avais soudainement embrassée. On donnait  le change, plus ou moins, mais on semblait prendre le plus de précautions possibles pour ne pas avoir à interagir. Clairement, je l'évitais. Parce que j'étais toujours aussi paumé par rapport à ce qu'il s'était passé, et si je devais être honnête, j'étais mort de trouille à l'idée de ce qui pouvait advenir par la suite. Bien que Liv ait tenté de m'aider lorsque je l'avais croisée, la discussion que j'avais eue avec elle m'avait encore plus perturbé, plantant des possibilités dans mon esprit que je n'étais pas sûr de vouloir explorer. C'était tellement risqué d'envisager de telles éventualités... Je ne savais pas si Clara m'évitait elle aussi ou si elle acceptait juste le fait que je le fasse, mais quelles que soient ses intentions, nous avions à peine échangé depuis cette après-midi chaotique. Ce n'était sans doute pas si mal parce que je n'étais pas certain d'être prêt à le faire. Je ne savais pas encore comment je réagirais face à elle, mes émotions étant toujours trop à fleur de peau et difficiles à démêler.

Lors du repas, je fus bien content que Tyler soit présent pour ne pas nous laisser dans un tête-à-tête des plus gênants. On parla boulot, on échangea des banalités, quelques plaisanteries, bref un simple petit moment de détente entre collègues. Puis je repartis bien vite dans mon bureau avec quelques biscuits à grignoter. J'en mangeai un premier et lus le message "Celui qui veut voir l'arc en ciel doit apprendre à aimer la pluie". Je levai les yeux au ciel. Ces messages étaient toujours lunaires ou complètement évidents, mais cela pouvait être fun parfois. J'en mangeai un deuxième. Le message était beaucoup plus long cette fois et il eut le mérite de retenir mon attention. "Il y a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-même, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque". Les êtres qui m'avaient vraiment touché profondément dans la vie, je pouvais les compter sur les doigts de la main. Et l'un d'entre eux se trouvaient à quelques mètres à peine à l'instant présent, simplement séparé par des murs. J'avais pleinement conscience de cette proximité physique et pourtant je n'aurais pas pu nous sentir plus éloignés qu'en cet instant. Je poussai un soupir. Ce n'était pas franchement le moment de penser à ça alors que j'allais recevoir des clients en rendez-vous dans quelques minutes. Mais malgré tout, les mots faisaient leur chemin dans mon esprit. Clara m'avait beaucoup apporté, aussi bien des années auparavant qu'au cours de ces derniers mois. Est-ce que c'était ça cette partie qui manquait en moi ? Je poussai un juron, me maudissant d'accorder bien trop d'importance à un vulgaire message imprimé en multiples exemplaires pour être glissé dans une pâtisserie.

L'après-midi passa sans encombre mais non sans mal. J'avais été aussi professionnel et concentré que je l'avais pu, mais mes pensées me ramenaient toujours à ce qu'il se passait actuellement avec Clara. Et même si je n'avais aucune envie de me confronter à cette situation compliquée, je savais au fond qu'il fallait que je lui parle. Parce qu'elle était l'une de ces personnes qui avaient eu un impact sur ma vie et parce que l'autre jour, elle m'était venue en aide et m'avait empêché de sombrer toujours plus alors que rien ne l'y obligeait. Et pour cela, je lui en étais infiniment reconnaissant, plus que je n'aurais jamais su l'exprimer. Si je ne savais pas de quoi serait fait demain, ni même ce que mes émotions pouvaient bien signifier, je lui devais au moins des remerciements. Et je devais à minima lui témoigner ma gratitude. Plus vite serait le mieux. Je craignais me dégonfler si je prenais encore plus le temps d'y penser, si mes réflexions ne me rendaient pas dingue avant.

Lorsque je sortis de mon bureau en trombe, bien déterminé à ne pas la rater avant qu'elle ne file, j'entrai presque en collision avec l'objet de mes pensées, m'arrêtant juste à temps, à quelques centimètres d'elle. Mon cœur manqua un battement. Je reculai d'un pas pour nous offrir de l'espace. Il ne fallait pas que je me défile. Je ne pouvais pas l'éviter éternellement, ça ne rimait à rien.

- Désolé Clara, je ne t'avais pas vue, commençai-je par m'excuser.

Je marquai une petite pause, hésitant. C'était bien beau de vouloir lui parler, mais je ne savais pas du tout comment aborder tout ça. Je me sentais incroyablement petit soudainement.

- Je... ça te dérangerait qu'on discute ? bredouillai-je à toute vitesse.

Je me mordis la langue. Aidan Thorne, avocat d'une grande éloquence... Il y avait des moments comme ça où on aimerait trouver une trappe au sol pour s'échapper en vitesse.

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En allant parler avec Clara, je ne savais vraiment pas dans quoi je m'engageais. Je m'étais dirigé vers elle comme ça, pris d'une impulsion, sans avoir de plan précis en tête malgré l'après-midi que je venais de passer à tergiverser. J'avais un peu l'impression de me lancer dans un numéro de haute voltige sans filet. Et l'entrée en scène commençait très mal puisque j'entrai presque en collision avec elle. Malgré ma nervosité, le trait d'humour de Clara m'arracha tout de même un sourire.

- C'est l'heure de pointe, que veux-tu, badinai-je à mon tour, bien que peu assuré, avant de hocher la tête machinalement lorsqu'elle me dit qu'elle ne m'avait pas vu non plus.

Le souci, c'était que cette tentative d'humour ne m'aidait pas plus à sortir ce que j'avais à dire et inévitablement, un petit silence s'installa. Visiblement, je n'étais pas le seul à ne pas être très à l'aise. Clara regardait vers le sol en se mordillant les lèvres de son petit air gêné. Finalement, je sautai à l'eau, lui demandant de la manière la plus "naturelle" qui soit si on pouvait discuter. Je laissai échapper un léger soupir, presque soulagé, lorsqu'elle accepta sans relever mes bredouillements. Evidemment, ça voulait dire que je ne pourrais plus échapper à cette conversation, mais cela abrègerait peut-être mes souffrances en mettant fin aux nœuds au cerveau que je me faisais depuis cette fameuse après-midi au parc. Ou cela empirerait les choses. Mais il ne valait mieux pas trop y penser.

- Hum, fis-je, pensif en me frottant la nuque lorsque Clara demanda où je voulais m'installer. Tu veux aller boire un café peut-être ? Ce serait plus... agréable, répondis-je, hésitant sur l'adjectif à employer.

Avec cette nervosité, je n'étais pas certain que ce serait véritablement "agréable". Encore moins si on disait ou entendait des choses qui nous dépassaient l'un et l'autre. Mais ce n'était sans doute pas une conversation à avoir au cabinet ou devant celui-ci. Ce ne serait pas très professionnel. Et même si j'appréciais Tyler, je n'étais pas certain que j'avais envie de prendre le risque qu'il entende notre discussion non plus. Peut-être que "tranquille" aurait été un terme plus approprié.

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Depuis cet après-midi au parc avec Clara, j'avais largement eu le temps de me torturer l'esprit. Et peut-être que c'était ça qui me rendait si nerveux. J'avais pu imaginer mille et une situations et mille et une réactions sans même être bien certain de ce que je pensais, ressentais ou voulais réellement. Plus j'attendais de lui parler et de me confronter à elle et plus ce serait confus et compliqué. Au lieu de démêler mes pensées et mes émotions, je ne faisais que rajouter des couches et des couches de questionnements. Et ce n'était pas comme s'il s'agissait de quelque chose sans importance. Quoi qu'il en était, Clara comptait beaucoup pour moi et quelle que serait l'issue, nous n'aurions d'autre choix que de nous croiser au quotidien, ne serait-ce qu'au cabinet. Je détestais cette sensation de ne pas être en pleine possession de mes moyens mais cette conversation devenait indispensable.
Je souris légèrement lorsque Clara suggéra de demander à Tyler de mettre des tickets pour le passage à l'entrée. Je crois bien qu'il nous prendrait pour des fous si on lui amenait l'idée.
La "condition" qu'évoqua Clara me dérida un peu. S'il n'y avait que ça pour la convaincre et la satisfaire, je crois que ça ne devrait pas être trop difficile. Si seulement il suffisait de cela...

- Cela devrait pouvoir se faire pour une douceur. Tu es raisonnable en affaires, dis-je avec un petit sourire. Parfait pour le café du coin.

C'était au moins ça de convenu. Nous n'aurions pas à discuter maladroitement entre deux portes de bureaux. On se mit en route et alors que j'étais en train de réfléchir à la manière dont j'allais aborder le sujet qui me trottait dans la tête, Clara finit par m'interroger sur comment je me sentais. Je pris une inspiration et me pinçai les lèvres, pensif. Je ne pouvais pas vraiment dire que tout allait sur des roulettes, mais en comparaison avec l'état dans lequel elle m'avait trouvé la dernière fois...

- Un peu mieux oui, c'est sûr. Je ne dirais pas que tout est revenu à la normale ou que c'est facile, mais je pense que je suis sur la bonne pente. J'ai discuté avec mon parrain et j'ai échangé quelques messages avec Zoey. J'ai jeté les bouteilles à mon appartement et j'ai aussi... rompu avec Vicky, répondis-je, un peu hésitant quant à la fin de ma phrase.

Je sais que nous avions parlé du fait que ma relation avec Vicky pouvait m'inciter à boire, mais dans un petit coin de ma tête, je me disais que le baiser que j'avais échangé avec Clara n'y était pas pour rien non plus dans cette séparation. Parce que ce n'était pas très juste d'embrasser son ex quand on était en couple, ni très normal si on était bien avec cette personne. Mais je ne voulais pas non plus que Clara pense que je lui parlais de ma rupture parce que je l'invitais à boire un café dans le but de la récupérer. Ce n'était pas du tout ce qui m'avait traversé l'esprit en lui proposant de discuter.

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Discuter avec Clara n'avait rien de facile et je craignais un peu ce qui pouvait en découler, mais je savais que je ne pouvais pas constamment fuir ce qui était difficile. Je l'avais fait de nombreuses fois au cours de ma vie, concernant de nombreux sujets, et ça m'avait rarement apporté du positif. Affronter ce qui nous effrayait n'était jamais agréable, mais c'était nécessaire.
Je savais bien que nous allions un peu marcher sur des œufs dans notre conversation, mais malgré tout, on entra assez rapidement dans le vif du sujet. Mon évolution avec l'alcool... et Vicky. Pas de mention du baiser que nous avions échangé, mais c'était déjà beaucoup et cela tournait finalement pas mal autour du contexte qui avait mené à ce geste.

- Merci, répondis-je avec un petit sourire lorsqu'elle me dit que j'avais l'air mieux et qu'elle espérait que je poursuive dans cette direction. C'est bien mon but de continuer comme ça.

Je n'étais pas parfait et je ne pouvais pas affirmer à 100% que j'y parviendrais mais je savais que la volonté comptait déjà beaucoup dans le processus. Et puis, j'étais bien plus confiant que je ne l'avais été lors de notre dernière conversation au parc. J'avais encore des doutes parfois, mais je n'avais plus la sensation qu'il était inutile d'essayer de lutter ou que c'était un combat perdu d'avance. Je me sentais plus fort pour affronter mon problème.

- Je suis content aussi d'avoir pu mettre les choses au clair avec Zoey. Certes, il y avait la peur qui parlait, mais elle était vraiment en colère contre moi. J'ai dû mettre mon ego de côté pour faire un pas vers elle, répondis-je. Ce n'est jamais très agréable une séparation, mais je pense que c'était nécessaire, affirmai-je prudemment lorsqu'elle me demanda si ça n'avait pas été trop dur lorsque je mentionnai Vicky.

Ni Clara ni Zoey n'avaient eu des propos très tendres au sujet de Vicky, mais malgré tout, j'avais eu de l'affection pour elle. Et même si notre relation ne nous avait pas réussi, nous avions aussi partagé de beaux moments. Mais c'était un peu gênant de parler de mon ex avec Clara, surtout avec les non-dits qui planaient au-dessus de nous depuis l'autre jour au parc.
On arriva finalement au café et on s'installa dans un silence pesant. Je n'en menais pas large et avais du mal à regarder Clara dans les yeux. Comme si elle avait pu lire dans mon regard des choses que j'avais moi-même du mal à m'avouer. Je me raclai la gorge, cherchant une certaine contenance.

- Je... je voulais te parler parce que j'ai l'impression que les choses sont un peu différentes entre nous depuis l'autre jour, déclarai-je d'un ton un peu hésitant.

A mon avis, ce n'était pas une simple impression. Je me comportais différemment avec elle, et elle aussi semblait se tenir à distance. Je ne savais pas comment elle le vivait de son côté, mais ça allait me rendre dingue si cela continuait comme ça et si mon cerveau ne cessait de tout ramener à Clara et ce fichu baiser. Il fallait crever l'abcès.

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On ne pouvait pas dire que la conversation était très confortable. Je n'aimais pas vraiment parler des sujets sérieux, surtout quand ils étaient fâcheux pour moi. Mais Clara avait été là lorsque j'étais au plus mal, elle avait le droit de savoir. En tout cas, je lui devais bien ça et je m'étais mis en tête de faire des efforts pour être meilleur. Après tout ce que je lui avais fait subir, un peu de sincérité était la moindre des choses, même s'il me coûtait de lui dire certaines choses. Je sentais en tout cas que cela apaisait Clara de m'entendre dire que je comptais travailler ma sobriété et remettre de l'ordre dans ma vie, même si une part de moi se demandait pourquoi ça lui importait autant.
Je laissai échapper un petit rire lorsque Clara me taquina sur mon "immense" ego, reconnaissant pour son trait d'humour.

- Tu me connais, ça demande un effort gigantesque, mais je suis bon prince, je me dévoue, répondis-je, malicieux. On ne peut jamais être certain de ce qui est le mieux, mais ce qui est sûr c'est que la situation n'était pas saine telle qu'elle était, expliquai-je en haussant les épaules face à sa moue.

Peut-être que dans d'autres circonstances ma relation avec Vicky aurait pu fonctionner, je ne le saurais jamais. Dans les faits, on ne pouvait simplement pas nier que nos rapports avaient trop été intriqués à l'alcool. Nous avions été aspirés dans une mauvaise spirale et je n'aurais sans doute pas eu la force de m'en tirer en restant à ses côtés. Mais je n'allais pas trop m'attarder sur ce sujet avec Clara. Je doutais qu'elle ait envie de m'entendre parler en long, en large et en travers de mon ex. Même si finalement... c'était peut-être moins difficile à aborder que les raisons qui m'avaient poussé à lui parler. Le baiser qui me restait en tête, me faisant me poser mille et une questions, et ces jours passés à s'ignorer soigneusement l'un et l'autre. Je n'en menais pas large, mais au moins Clara avait la grâce de ne pas faire semblant de ne pas comprendre de quoi je voulais parler. A vrai dire, elle n'avait pas l'air plus à l'aise que moi face à ce sujet. Ca avait un côté rassurant qu'on ne sache pas plus l'un que l'autre comment aborder la situation. Nous étions à égalité dans notre nervosité.

- Je reconnais que je t'évitais, avouai-je, les lèvres pincées avant de pousser un petit soupir. C'est un peu... confus depuis l'autre jour. A vrai dire, je ne sais pas trop comment appréhender les choses, confiai-je en osant croiser son regard et en rassemblant ce qu'il me restait d'assurance. Je sais que c'était un geste spontané et complètement irréfléchi, je ne sais pas très bien ce que cela signifie, ni même si ça signifie quelque chose, mais ça me perturbe que je t'aie embrassée, lâchai-je finalement.

Peut-être que de son côté cela n'avait rien à voir et qu'elle était simplement embêtée de m'avoir vu aussi vulnérable, mais je crois que j'avais besoin de partager ce qui tournait dans ma tête depuis des jours et des jours. Cela allait finir par me rendre dingue si ce n'était pas déjà le cas.

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Je souris lorsque Clara dit m'avoir toujours connu gentleman. J'avais toujours essayé de l'être en un sens, mais certaines circonstances avaient fait que je n'avais pas toujours eu le meilleur des comportements. Je savais que personne ne pouvait être parfait, mais je m'en voulais toujours lorsque je n'agissais pas correctement. Je ne supportais tout bonnement pas ça.

- Je ne voudrais surtout pas te décevoir en cassant cette image, plaisantai-je, bien qu'il y avait une part de vérité là-dedans. Vite, je ne sais pas, mais c'est vrai qu'on finit généralement par s'en rendre compte, concédai-je. Peut-être, me contentai-je de répondre avant de pincer légèrement les lèvres lorsque Clara supposa que je recroiserais peut-être le chemin de Vicky.

Clara n'avait pas eu l'air de porter Vicky dans son cœur lorsque je lui avais parlé un peu plus en détail de ma rechute la dernière fois. J'avais la sensation qu'elle me disait plus cela par politesse pour le coup. Et moi-même, je n'étais pas bien certain de vouloir recroiser le chemin de Vicky plus tard. Je ne la considérais toujours pas comme une mauvaise personne et j'avais passé de bons moments avec elle, mais je crois qu'au fond je savais que nous n'étions pas bons l'un pour l'autre. Cela ne servait à rien de nous voiler la face ou de nous faire davantage de mal. Et puis, il fallait reconnaître que j'étais un peu perturbé de ne pas avoir plus pensé à elle lorsque j'avais embrassé Clara. Cela n'était pas mon genre d'embrasser une autre femme lorsque j'étais en couple. En toute logique, j'aurais dû m'en mordre les doigts et culpabiliser à fond, mais je savais bien que ce n'était pas pour cette raison que je ressassais ce baiser. Je devais le reconnaître, cela avait tout à voir avec Clara, notre relation et ce qu'elle pouvait bien penser de mon geste. Et c'était bien pour cela que j'avais cette discussion aujourd'hui avec Clara. Il fallait que je partage toute cette confusion qui me bouffait. Je hochai la tête, un peu soulagé, lorsqu'elle me dit qu'elle était dans la même situation. Je ne savais pas très bien ce que j'aurais fait s'il en avait été autrement ou si elle avait fait semblant que tout allait bien. Je crois qu'il était indispensable qu'on mette les choses au clair, même si je craignais un peu ce qui ressortirait de cette conversation.
Clara avait l'air nerveux en m'expliquant qu'elle avait l'impression de devenir folle en tentant de comprendre ce qu'il s'était passé. Visiblement, nous étions dans le même état d'incompréhension et de désespoir de tenter sans succès de donner du sens à tout cela. Et lorsque Clara me demanda si je pensais que cela voulait dire quelque chose que ce baiser nous perturbe autant, une boule se forma dans ma gorge. Je savais que ma réponse à cette question pourrait tout changer de notre relation. Je n'étais pas bien sûr de ce que je pouvais lui dire. A vrai dire, je n'étais même pas bien sûr de ce que je pensais. Tout se mélangeait dans ma tête. J'ouvris la bouche, prêt à commencer à parler, lorsque le serveur arriva pour prendre notre commande. Je refermai la bouche et laissai Clara commander, sentant mon cœur tambouriner dans ma poitrine. C'était un court répit avant une potentielle bombe que je pourrais lâcher. Mais malheureusement, rien de suffisant pour remettre de l'ordre dans mes idées.

- Ce sera un capuccino et un fondant au chocolat pour moi, merci, énonçai-je à mon tour.

Je regardai le serveur repartir de notre table, repoussant au maximum le moment où j'allais reposer les yeux sur Clara. Lorsque j'osai finalement le faire, je pris une grande respiration. Courage ou pas, je savais que je devais me lancer.

- On a été pris de court tous les deux la dernière fois. C'est normal que tu aies tenté de calmer les choses en disant que ce n'était rien, lui assurai-je. Et je dois avouer que moi aussi j'ai l'impression de devenir fou. Ca tourne tellement dans ma tête et je n'arrive pas à savoir quoi en penser, reconnus-je. Je... commençai-je, hésitant. J'imagine qu'il doit bien y avoir une raison pour que ça nous perturbe comme ça. On a éprouvé des sentiments très forts l'un pour l'autre par le passé. Je pense que... ça a pu faire remonter certaines choses.

C'était dit. Quelque chose que je n'avais même pas voulu admettre à moi-même. Mais en le disant, je savais que c'était vrai. Je ne le "pensais" pas, ce n'était pas "peut-être", c'était sûr. En embrassant Clara, j'avais ressenti des choses qui étaient restées en moi depuis tout ce temps. J'avais beau avoir essayé d'avancer, avoir rencontré d'autres filles, il y avait des sentiments qui étaient impossibles à effacer. Je crois que j'aurais préféré qu'il en soit autrement, mais je ne pouvais plus continuer à me mentir.

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Avec Clara, nous marchions clairement sur des œufs, avouant que nous nous évitions et qu'il y avait un souci sans vraiment trop entrer dans les détails. Il fallait dire que la situation était délicate et que nous avions totalement perdu le semblant d'équilibre que nous avions réussi à construire depuis que nous avions rejoint Scott Office. Nous avions tenté au mieux de croire que nous pouvions simplement être collègues voire amis, mais le passé finissait toujours par nous rattraper. Parce que nous n'étions pas n'importe qui l'un pour l'autre et quoi qu'on fasse, les conséquences pouvaient être plus lourdes qu'on ne l'imaginait.

- Non, j'en embrasse sans rien penser sur le moment, saisis-je l'occasion de plaisanter. Mais pas de quoi me tourmenter l'esprit après.

On ne pouvait pas dire que je manquais d'expérience avec les femmes. J'en avais connu beaucoup. Mais aucune ne m'avait provoqué les mêmes sensations que Clara. Je n'avais jamais vécu de sentiments aussi puissants. Et je devais avouer que cela me faisait un peu peur. Les bons moments étaient incroyables et je ne m'étais jamais aussi bien senti qu'avec elle mais le fait de la trahir et de la décevoir et la séparation avaient été parmi les moments les plus douloureux de ma vie. Et les instants de doute que je traversais actuellement n'étaient guère plus agréables. Parfois, cela me laissait presque penser qu'il vaudrait mieux ne rien ressentir du tout.

Lorsque j'avouai à Clara que le baiser que nous avions échangé avait pu faire remonter des choses, elle parut un peu désarçonnée. Je ne savais pas trop quoi penser de sa réaction. Qu'elle me demande si je pensais vraiment cela et si j'en étais bien sûr me faisait me demander si je ne venais pas de commettre une grosse connerie en lui en parlant. Et si sa manière de voir les choses était totalement opposée à la mienne ? Si la seule raison pour laquelle mon geste l'avait perturbée était qu'elle ne pouvait pas imaginer une seule seconde que je puisse avoir des sentiments pour elle parce qu'elle avait tourné définitivement la page et qu'elle ne comprenait pas ce qui avait bien pu me passer par la tête ? Même si je m'étais toujours dit que tourner la page était raisonnablement la meilleure chose à faire, je devais reconnaître que cette pensée me blessait un peu. J'avais beau savoir qu'il ne valait mieux rien attendre de notre relation, je n'arrivais pas à me résigner totalement et abandonner tout espoir d'un quelque chose, quoi que cela puisse bien être. Mais peut-être qu'elle était déçue que je sois toujours bloqué dans le passé. Peut-être que je gâchais tout ce qu'il restait de notre relation avec ce baiser et ces révélations. Mais aussi lâche que je puisse être par moments, je savais qu'avec ce que je venais de dire je ne pouvais plus vraiment reculer.

- Hum, confirmai-je, mollement. Je crois qu'il y a des choses que j'ai enfouies pendant longtemps parce que c'était plus simple ainsi et que c'était le mieux à faire, mais elles n'ont jamais vraiment disparu, je les ai juste ignorées, avouai-je sans vraiment la regarder cette fois-ci. Et j'en suis à peu près certain. J'ai tenté de toutes mes forces de le renier, mais je crois que cela dépasse ma volonté.

Mes paroles étaient peut-être un peu détournées parce que j'avais du mal à avouer que mes sentiments pour elle étaient toujours resté les mêmes malgré le temps, la distance et la vie qui avait suivi son cours, mais je crois qu'il n'était pas bien difficile de comprendre le fond de ma pensée. Si j'avais préféré me mentir pendant toutes ces années, c'était parce que cela me faisait bien trop souffrir de penser à tout ce que je pouvais bien ressentir pour Clara, à tout ce que j'avais eu et tout ce que j'avais saccagé. Et c'était pour la préserver elle aussi. Je savais que j'étais une bombe à retardement et que je lui avais bien fait assez de mal par le passé. Même si par miracle elle ressentait encore quelque chose pour moi et voulait me donner une seconde chance, j'aurais bien trop peur de la faire souffrir à nouveau. Je ne pouvais pas lui infliger ça.

- Je sais que je ne devrais pas te dire tout ça. Avec tout ce que je t'ai fait subir, je devrais juste te foutre la paix, je suis désolé, ajoutai-je rapidement avant de lui laisser la possibilité de me répondre.

Avec la bombe que je venais de lâcher, cela devait lui faire une belle jambe que je m'excuse de la confronter à mes sentiments. Je faisais vraiment toujours tout foirer. Et le pire, c'était que je savais que mon remède pour faire face à mes émotions était toujours de me plonger dans l'alcool mais que je ne pouvais pas céder à la tentation. Je devais affronter la situation, aussi déchirante soit-elle. Pour une fois dans ma vie, je ne pouvais pas fuir ce que je ressentais vraiment.